La Révolution et la Guerre d’Espagne
« délégués de main » deviennent caporaux ou sergents, les
« délégués de centuries » capitaines, les « chefs de
colonne » commandants. Les galons reparaissent, discrets, sur les blousons
et les monos. Avec la militarisation, les milices doivent accepter la remise en
vigueur – présentée sur le moment comme provisoire en attendant un nouveau
texte – de l’ancien Code de justice militaire.
Le problème des cadres reste difficile. Il y avait dans les
milices, nous l’avons vu, très peu d’officiers de métier : 200 peut-être
dans toute l’Espagne, 12 seulement pour tout le Nord, selon le président
Aguirre. Encore ne sont-ils pas sûrs, un bon nombre n’étant, comme dit
Rabasseire, que « géographiquement loyaux ». Le général Walch ( Le
Temps, 12 juillet 38) parle de la « grève perlée » que font
certains d’entre eux. André Malraux cite l’exemple d’un artilleur qui fait
tirer sur les milices et Borkenau dénonce des cas de sabotage. Tous, malgré les
gages donnés, sont suspects à leurs compagnons de combat par leur seule
origine. Hernandez Sarabia, Menendez, Martin Blazquez échappent de justesse au paseo. Riquelme et Miaja sont menacés, et le gouvernement les change d’affectation
pour les préserver. Escobar et Martinez, les aides de camp de Santillan, sont
assassinés [191] .
L’une des premières tâches sera donc de former des officiers. Garcia Oliver a
fait ses preuves en organisant, à Barcelone, pour le Comité central, l’Ecole
populaire d’officiers. Largo Caballero lui confie l’organisation des Ecoles
populaires de Guerre. Deux mois après, cinq écoles auront donné une formation
sommaire à 3 000 officiers, admis sur présentation d’un parti, d’un
syndicat ou d’une colonne [192] .
Ainsi se crée un corps d’officiers que le maintien de la solde unique empêche
de se dresser en corps privilégié, malgré le rétablissement, avec l’ancien
Code, de la discipline et des marques extérieures de respect en dehors du
service. L’esprit égalitaire des milices subsiste d’ailleurs, d’autant plus
facilement que les chefs improvisés des premières semaines, ouvriers et
militants, sont presque toujours confirmés dans leur grade lors de la
militarisation de l’unité.
Les chefs de l’ « armée populaire » eux-mêmes
reflètent la diversité d’origine de ces cadres. Quelques-uns sont d’anciens
officiers généraux ou supérieurs de l’armée d’avant la révolution : Miaja et
Pozas qui étaient généraux, Rojo qui était commandant et deviendra général,
Asensio, lieutenant-colonel, général en septembre, Hernandez Sarabia et
Menendez qui étaient aides de camp d’Azaña, les commandants Casa do Perea. D’autres
ont monté rapidement en grade parce qu’ils ont commandé dans les milices ou
contribué à l’organisation de l’état-major : Francisco Galan, Cordon,
Barcelo, Ciutat, le lieutenant de vaisseau Prados qui sera chef d’état-major de
la Marine, le commandant Hidalgo de Cisneros qui sera chef d’état-major de l’Aviation.
Mais déjà, à leurs côtés, on trouve des chefs d’origine ouvrière, sortis du
rang dans les premières semaines de combat, des communistes surtout, comme le
tailleur de pierre Lister et le charpentier Modesto [193] , ou l’ancien
sergent de la Légion Valentin Gonzalez, El Campesino ,le compositeur
Duran [194] ,
mais aussi des anarchistes, comme Jover, Vivancos et Cipriano Mera, même des
militants P.O.U.M. comme le métallo Baldris ou l’employé Rovira. Aucun d’entre
eux, pour l’instant, ne dépasse le grade de commandant. Mais ils ont des
commandements importants : Lister commande une brigade en octobre 36, une
division en janvier 37, Modesto, Duran, Mera commanderont bientôt des
divisions. Ces chefs sont jeunes : Duran a 29 ans, Alberto Sanchez, sorti
du 5 ème régiment, commande une brigade à 21 ans.
Cependant, avec l’adoption de l’étoile rouge comme emblème
sur les drapeaux de l’armée populaire, c’est sans doute l’institution des
commissaires politiques qui a le plus contribué, hors d’Espagne, à créer la
légende d’une « révolution communiste ». Dans l’esprit de tous, le
mot est encore lié au souvenir de la révolution russe et de l’organisation de l’armée
rouge par Trotsky.
L’institution, pourtant, ne remonte pas à 1917. La
révolution française a, elle aussi, face à la nécessité de créer une armée
régulière avec des cadres
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