La rose de Raby
pas vraiment, n'est-ce pas?
— Oui et non.
Le religieux se cala confortablement sur son siège avant de reprendre :
—
Je pense que nous ne cherchons pas les miracles là où il faut. Le soleil qui se lève : c'est un miracle. Un œuf qui donne naissance à un oiseau : c'est encore un miracle. Un homme qui sacrifie sa vie pour un ami : c'est un miracle plus grand encore. Alors, Kathryn, dites-moi ce que vous savez de ces prodiges au couvent du Sac.
Elle lui fit un compte rendu de ce qu'elle avait découvert, et le père Cuthbert hocha la tête.
—
Je suis d'accord, soupira-t-il lorsqu'elle se tut. Sauf en ce qui concerne le dernier : cela pourrait être étrange; s'agirait-il du pouvoir de l'esprit? J'ai lu une fois que les Grecs anciens faisaient dormir les gens pour calmer leurs humeurs et leur apporter du soulagement. La question est intéressante, vous ne trouvez pas, Kathryn? Dieu s'est-il servi du bienheureux Roger pour apaiser ce vieux soldat afin de calmer ses boyaux? Ah, vraiment...
—
Vous désiriez nous voir, mon père? l'interrompit Colum. Ou plutôt vous vouliez voir Kathryn.
—
En effet.
Le religieux retourna la manche de sa robe et reprit :
—
Les rats, Kathryn ! J'ai vaguement entendu parler de votre réunion avec Bourchier, et j'ai rencontré Malachi Smallbones.
L'expression des yeux du vieux prêtre montrait qu'il n'avait guère de considération pour celui qui s'était proclamé le chasseur de rats de Cantorbéry.
—
Avez-vous remarqué, Kathryn, qu'il n'y a pas de rats, ici? Parcourez le dortoir, allez dans les réserves ou même au charnier. Vous n'entendrez aucune débandade de ces petits quadrupèdes.
—
Vous avez découvert un nouveau poison? demanda la jeune femme.
Le père Cuthbert pointa un doigt osseux vers le ciel.
—
C'est la raison pour laquelle je voulais vous voir. N'utilisez pas de poison, Kathryn. Vous savez que j'ai un cabinet secret?
—
Tout le monde le sait, à Cantorbéry, mon père.
Le prêtre parut surpris.
—
Vous vous livrez à des expériences? le taquina Kathryn.
—
Oui, en effet, et je me sers de rats. Croyez-moi, Kathryn, ils sont porteurs de maladies. Et pas seulement quand ils mordent, ou dans leurs urines ou leurs excréments. Ils recèlent dans leur corps quelque chose de nuisible, un souffle fétide ou une odeur maligne. J'ai essayé d'empoisonner des rats.
Parfois j'y réussis, mais, après un certain temps, leurs humeurs résistent à la maladie.
—
Comme cela arrive chez les êtres humains, fit valoir Kathryn, qui parla sans entrer dans le détail du cas de Roger Atworth.
—
Oui, oui, j'en ai entendu parler.
Le père Cuthbert se redressa en secouant la tête.
—
Je n'ai jamais utilisé d'arsenic contre les maux de ventre. Les propriétés de cette substance...
—
Vous nous parliez des rats, mon père, le coupa Kathryn.
—
Des furets ! répliqua le prêtre.
—
Vous dites ?
—
Des furets !
Le religieux avait prononcé le mot comme s'il lui venait directement de Dieu.
—
Ce qu'il vous faut ici, Kathryn, ce sont des fureteurs professionnels, avec leurs petits fouineurs dressés. Ils auront tôt fait de vider les nids et de tuer les rats, surtout s'ils ont faim. Et au bout d'un temps, ils vous ramèneront les cadavres à l'air libre.
Kathryn se souvint de Gethsémani.
—
C'est ce qui est arrivé au couvent, déclara-t-elle, il y avait des rats dans le jardin, mais dans le grand mur d'enceinte niche une colonie d'hermines.
—
Elles sont aussi féroces que les furets, admit le père Cuthbert, mais impossible de les dresser. A présent, je vais vous dire quelque chose de très intéressant. Je garde mes amis furets dans la cave. Je les appelle les Douze Apôtres. Chacun a un nom : Pierre,
Barthélémy, Philippe... Ce sont les furets les plus saints de toute la chrétienté. Il y a deux choses étonnantes en ce qui les concerne : d'abord, je ne me sers d'eux que dans cet hôpital et dans les bâtiments qui l'entourent, et, jusqu'ici, ils n'ont pas trouvé un seul nid avec des bébés rats. N'est-ce pas bizarre?
—
Je ne comprends pas, intervint Colum.
—
Les rats prolifèrent comme des mouches, expliqua le prêtre, et il est donc singulier qu'ils ne se soient pas organisés en colonies. La seule explication est qu'ils n'en ont pas eu le temps. La seconde chose... Venez, je vais vous montrer.
Le religieux bondit sur ses pieds comme un gamin excité, et les fit descendre l'escalier pour
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