La rose de Raby
offrit Kathryn.
Le nouveau venu allait prendre le siège de Colum, au bout de la table, mais Thomasina le poussa presque sur un banc de côté.
—
Vous voulez de la bière ?
L'individu fit claquer ses lèvres.
Thomasina servit deux chopes, celle de Kathryn remplie à ras bord, celle de Malachi seulement à moitié pleine. Avec un petit sourire d'excuse, Kathryn intervertit les pots et leva le sien en manière de salutation.
—
Je vous souhaite bonne chance dans votre tâche, Maître Malachi.
—
Je suis ici à la demande de Luberon, le clerc de la ville.
Malachi but une nouvelle gorgée de bière, fixant Kathryn de ses yeux bruns humides, par-dessus le bord de sa chope.
—
Il m'a dit que je devrai traiter avec vous, vous tenir informée de ce que je ferai.
—
Et que faites-vous ?
—
Eh bien, c'est déjà commencé, déclara Malachi qui fixa l'intérieur de son gobelet avant de poursuivre : On a doublé le nombre des balayeurs de rues, et les clercs sont tous dehors. On met sur les portes des églises des proclamations au sujet du dépôt des ordures. Maître Luberon voulait qu'on supprime tous les chats et les chiens errants, mais je lui ai dit que non. Ces animaux peuvent tuer des rats, et nous avons besoin de toute l'aide que Dieu nous envoie.
Malachi leva des yeux suppliants comme s'il priait. Kathryn l'examina attentivement. Au premier abord, il lui avait paru balourd, mais plus il parlait, moins elle en était sûre. Malachi jouait un rôle : celui du chasseur de rats rustre et grossier. Néanmoins, sa manière de boire, les mots qu'il choisissait, comme « exterminer », le détachement amusé dans son regard démentaient cette impression première. L'anneau qu'il portait à une oreille semblait d'or fin, et le bracelet à son poignet gauche paraissait coûteux. Sa veste de cuir était de bonne qualité, tout comme la courroie et les singuliers accessoires qui y étaient accrochés.
Malachi suivit le regard de son hôtesse.
—
Des baguettes et des pièges pour notre ennemie, la vermine, expliqua-t-il, des petits sacs de poison et des mèches. Les rats craignent deux choses : le poison et le feu. Eh bien, Maîtresse, avez-vous des conseils à me donner?
—
En voulez-vous vraiment, Maître Smallbones? N'êtes-vous pas suffisamment expérimenté? D'où êtes-vous originaire?
Kathryn avait remarqué sa pointe d'accent.
—
De Helston, en Cornouailles, répondit le chasseur de rats, légèrement sur la défensive.
— Et où travaillez-vous ?
—
Un peu partout dans le royaume. J'ai eu mon dernier contrat dans la ville d'Oxford dont j'ai débarrassé les rues et les caves de la vermine.
— Êtes-vous un homme riche, Maître Smallbones ?
—
Je loge à Mercery, mais ma maison se trouve à Londres : une petite habitation près de Saint-Giles Cripplegate.
—
Je vois, fît Kathryn comme si elle connaissait la capitale comme sa poche. Et cette infestation, Maître Smallbones ?
—
Oh, c'est chose courante à cette époque de l'année.
— À votre avis, quelle en est la cause?
Malachi déboucla la courroie qu'il portait autour de sa poitrine et la posa doucement sur le sol.
—
Sans doute un pullulement, Maîtresse. Les rats pullulent, c'est une caractéristique. En venant à Cantorbéry, j'ai vu qu'il y a des villages abandonnés. À l'instar des humains, les rats vivent en colonies. Et pour des raisons connues seulement du diable, parfois, ils se déplacent.
— Vous serez bien payé, déclara Kathryn.
— Certes, Maîtresse, et je travaillerai dur.
—
Comment avez-vous résolu le problème à Oxford?
—
La ville est plus petite que Cantorbéry, de sorte qu'il était plus facile d'y effectuer le travail. On a nettoyé les fosses et les égouts, des balayeurs ont débarrassé les rues et les ruelles remplies d'ordures ; mais à Oxford, il se trouve des ruines, des caves et des rivières. Comme je l'ai dit, le feu est un grand purificateur.
—
Vous ne ferez pas la même chose ici, le mit en garde Kathryn, inquiète pour les maisons serrées les unes contre les autres, dont beaucoup étaient en bois et en plâtre.
—
Non, Maîtresse, nous essaierons d'abord le poison, et nous verrons comment ça marche. Mais c'est le problème.
Smallbones se gratta la tête.
—
Le poison coûte de l'argent. Que recommandez- vous, Maîtresse?
Kathryn pinça les lèvres. À la vérité, elle n'avait pas de solution. Le chasseur de rats avait raison : les poisons coûtaient
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