La Rose de Sang
engagements, Messire, tenez les vôtres ! Quand l'Inca vous aura
remis l'or promis, vous le remettrez en liberté... et il collaborera avec vous.
— Bien
sûr, ma belle ! Titubant, Pizarro se mit debout.
— Capitaine
Pizarro, fit Zéphyrine, j'aimerais partir avec la colonne d'éclaireurs de
Hernando de Soto !
— A...ccordé,
Princesse! Hoc!
Soûl comme un
cochon, Pizarro entraînait la princesse Nazca Capac vers une chambre.
— Viens, mon Inès,
viens ma Pizpita [132] ,
que je devienne le beau-frère de l'Inca. Ah! je vais te faire mourir, promit en
tanguant le conquistador.
La sœur de l'Inca
semblait effrayée, mais consentante.
Zéphyrine haussa
les épaules. Elle n'avait pas le pouvoir de s'ériger
en gardienne de la vertu des dames incas. A elles de se défendre contre
l'envahisseur.
Dans les antichambres,
la ripaille, la beuverie et la luxure régnaient.
Les frères Pizarro
honoraient à leur façon de nobles dames incas.
Les soldats avaient pris les concubines de l'empereur ou leurs servantes.
Zéphyrine eut un
haut-le-cœur. Assis sur une marche de pierre, Hernando de Soto buvait seul.
— Vous
ne prenez pas part à l'allégresse générale, capitaine de Soto ? lança Zéphyrine
d'un ton acide.
— Non,
Madame, je répugne à ce genre de festivités. Je suis un soldat, pas un boucher
ni un satyre !
Zéphyrine s'assit à
côté du conquistador.
— Pardonnez-moi,
Hernando, je suis lasse et... si triste.
Soto remplit une
coupe d'un vin capiteux. Il la tendit à Zéphyrine.
— C'est
normal, la nostalgie d'un soir de victoire, je connais ce sentiment. Buvez,
Princesse, rien de tel que cela pour faire passer le goût du sang... Buvons...
trinquons, à vous, à moi, à nous...,
à l'amour que j'éprouve pour vous, divine Zéphyrine, au cœur pur, aux yeux
verts qui me chavirent l'âme, ah ! Zéphyrine !
Sans un geste
déplacé, Hernando de Soto baisait les doigts de Zéphyrine. Elle regardait ce
jeune et bel homme au regard brun doré. Chavirer dans ses bras, oublier cette
horreur était une bien agréable tentation.
Elle secoua la tête
en poussant un soupir.
— De
tous les conquérants espagnols que je connais, vous êtes le plus humain, vous
êtes un être civilisé, Hernando... Je vous dis cela parce que je le pense. Je
vous aime beaucoup ; pourtant, vous allez croire que c'est par intérêt, car je
voudrais que vous m'emmeniez avec votre avant-garde, je dois partir vite d'ici.
Il m'est impossible de tout vous expliquer, mais j'ai besoin de vous, Hernando,
et...
— Ne
vous fatiguez pas, doña Zéphyrine, je sais, votre corps est ici, votre esprit
est ailleurs, très loin... Je ne veux même pas savoir avec qui, ni quel est votre secret. Oui, je vous emmènerai demain, nous partirons à l'aube.
Laissez-moi vous protéger, sur mon âme, en preux chevalier, je vous respecterai
comme la dame de mes pensées...
Hernando de Soto
entraîna Zéphyrine vers un cabinet retiré du palais. Sur une peau de guanaco,
ils s'endormirent aussi chastement que frère et sœur .
Chapitre XXX
LE NOMBRIL DE LA TERRE
Etait-ce l'altitude
ou une prémonition ?
En regardant la
cité aux mille toits d'or qui s'étendait à ses pieds, le cœur de Zéphyrine
battait. Elle sentait qu'elle touchait au but du voyage.
Son destin allait
se jouer ici.
— Voici
le Cuzco, Zéphyrine pâle, fit Pando-Pando. En quechua, cela signifie « Nombril
de la terre »...
A dix mille cinq
cents pieds [133] dans une haute vallée entourée de trois montagnes, Cuzco, cité impériale de
cent mille habitants, étalait ses richesses devant soixante conquérants.
La marche depuis
Cajamarca avait été rapide. Montée comme demoiselle Pluche sur un solide petit
cheval andalou, Zéphyrine n'avait souffert que du froid en franchissant
certains passages de la Cordillère des Andes.
A vingt lieues de
Cajamarca, ils avaient croisé Diego de Almagro qui revenait de mission avec un
canon et vingt-cinq soldats. C'était la première fois que Zéphyrine voyait
celui qui avait emmené doña Hermina. Visage fourbe, regard cruel, Zéphyrine
détesta aussitôt Almagro. Obéissant à son instinct, sans se faire remarquer,
elle se retira dans une tente mitoyenne de
celle du capitaine.
Almagro se
restaurait tout en parlant avec Soto.
— J'espère
que ce voleur de Pizarro m'a gardé ma part de butin.
—
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