La Rose de Sang
rentrèrent
dans leur appartement. Luigi dormait avec demoiselle Pluche sur une peau de
guanaco. Fulvio entraîna Zéphyrine vers une terrasse embaumant le jasmin.
— Sommes-nous au bout du
monde ou chez nous en Milanais ? soupira Fulvio.
— Crois-tu, mon amour, que
nous reverrons la lumière de l'Italie?
— Je ne sais pas, cara
mia... Mais, ce que je sais, c'est que je n'aurais jamais cru pouvoir aimer une
femme comme je t'aime !
Entendre
l'orgueilleux avouer sa « faiblesse » émut Zéphyrine au plus haut point. Le
moment tant attendu était venu.
Elle
leva la tête vers Fulvio.
— Mon amour,
chuchota-t-elle.
Sous le ciel
étoilé, les bras impatients de Fulvio se refermèrent sur Zéphyrine. Ses mains
glissaient jusqu'à la taille de la jeune femme. Pendant que leurs lèvres se
joignaient, il l'enleva délicatement pour aller la porter sur un lit royal
formé de peaux de lama. Le prince Farnello, le grand borgne Lombard, l'avait
enfin rejointe par-delà le temps, les mers et les rancœurs.
Fulvio
aimait Zéphyrine, Zéphyrine aimait Fulvio.
Frissonnante
de plaisir, retrouvant le corps de son mari, son amant, son seul amour,
Zéphyrine se laissa submerger par la passion. Presque craintive au début, elle
lui rendait ses baisers avec de plus en plus de flamme.
Avec
lui, tout était simple, merveilleux et beau.
Enfin,
ils ne firent plus qu'un. ..
Chapitre XL
LE RETOUR
— Que l'écume sur les vagues
te soit favorable, voyageur de Viracocha ! fit Manco.
— Que les rayons du soleil
réchauffent ton peuple, Sapa Inca ! répondit Fulvio.
— Adieu, Zéphyrine pâle aux
cheveux d'or. Adieu, Fulvio à la barbe près des étoiles.
Dans
son langage fleuri, le Sapa Inca saluait ses visiteurs. Avec une réelle
émotion, les princes Farnello prenaient congé du jeune souverain loyal et
courageux. Manco leur semblait bien frêle pour réussir la lourde mission qui
l'attendait : sauver son peuple.
Un
cortège de lamas chargés de sacs remplis des présents de l'Inca (plats d'or, nourriture,
peaux de bêtes) escortait Fulvio, Zéphyrine et leurs compagnons.
Avec
inconscience, Manco voulait donner une « garde d'honneur » à ses amis. Fulvio
et Zéphyrine refusèrent devant le danger que cela faisait courir à ces Indiens.
Seul représentant des Incas parmi eux, Pando-Pando les accompagnait. Sa chère
épouse laissée à Tumbez commençait à lui manquer.
Le
petit prince Luigi était confortablement installé, avec Gros Léon qui s'était
institué « nourrice », dans une panière de roseaux tressés, sur le dos d'un
lama noir. Les voyageurs commencèrent de descendre la montagne.
Arrivée
au fond de la gorge, Zéphyrine regarda les trois pics dressés vers
le ciel. La Cité perdue avait disparu.
— Fulvio, crois-tu que les
Espagnols les trouveront? murmura-t-elle avec souci.
Fulvio
secoua la tête.
— Non, m'amie... De tout
cœur, j'espère que Machu Picchu conservera son mystère et son secret.
— Dieu te garde, Manco Capac
! soupira Zéphyrine.
— Allons, Zéphyrine, le
Soleil rouge des Incas ne mourra pas ainsi !
Fulvio
passa son bras autour des épaules de sa jeune femme et il l'entraîna à la suite
de leurs compagnons.
A
trois jours de marche de la ville, la petite troupe rencontra les premiers
soldats espagnols chevauchant fièrement des alezans.
— Préparez-vous ! ordonna
Fulvio à ses compagnons.
Il
s'agissait de nouveaux renforts ayant hâte de participer à la conquista. Dans le plus pur castillan, Fulvio leur raconta qu'ils étaient des compagnons
du grand Pizarro, qu'ils avaient pris part à la « reddition » de Cuzco et
ramenaient un esclave : Pando- Pando. Derrière le prince, Zéphyrine et Pluche
baissaient le nez pour ne pas se faire remarquer. Il était inutile que les
conquistadores remarquent des femmes blanches (denrée assez rare), même si
l'une n'était pas de première jeunesse.
Comme
un sergent s'étonnait des vêtements indiens de Fulvio et de ses compagnons, le
prince expliqua que, dans les incendies de la ville, on avait tout perdu. Les
Espagnols étaient hésitants. Les sacs rebondis des lamas excitaient leur
convoitise. Ils étaient huit grands gaillards, sans foi ni loi, aux yeux
luisants. Ils se parlaient à l'oreille, jaugeant les forces du groupe. Tenant
son arquebuse à la main, le prince Farnello décida de
Weitere Kostenlose Bücher