La Rose de Sang
prodigieusement l'aider dans sa conquête de l'Empire
de Montezuma.
Zéphyrine n'eut pas
besoin d'une minute pour pressentir que Malitzin la considérait comme une
rivale et la haïssait.
Afin de s'éloigner
de cette hostilité, Zéphyrine refusa l'invitation du gouverneur. Avec Pluche et
Piccolo, elle trouva refuge dans la petite maison d'un franciscain, frère
Angelo.
Celui-ci était
choqué de la voir en vêtements masculins. Après avoir lavé sa chevelure et oint ses
ecchymoses, Zéphyrine reprit les vêtements de son sexe qu'elle avait eu
la précaution, ainsi que Pluche, d'emporter.
Accompagnée de
Piccolo et de sa duègne, la jeune femme descendit sur le port. La première personne
qu'elle rencontra fut Vaquero, le chef des Cimarons. Elle n'avait pu lui dire
au revoir ni le remercier.
Devant un groupe de
quatre hidalgos coiffés de leur toque à panache et transpirant dans leurs
pourpoints chamarrés, Zéphyrine sauta au cou de Vaquero.
— Par
Dieu, que voici chose indigne ! Une femme blanche et un sauvage ! ricana le
plus grand des quatre hidalgos.
— Le
« sauvage », Señor, m'a sauvé la vie et je vous interdis de juger aussi
stupidement ! protesta Zéphyrine.
Les hidalgos
maugréant se retirèrent à l'ombre du préau d'une taverne.
— Vaquero,
que puis-je faire pour te remercier? fit Zéphyrine en se retournant vers le
Cimaron.
Elle voulait lui
offrir un souvenir, ou quelques réaux d'or lui permettant d'acheter des armes,
des colifichets dont les hommes de son peuple étaient friands.
Avec dignité,
Vaquero repoussa la main de Zéphyrine :
— La
femme pâle descendue du ciel a laissé le vert de l'eau en présent dans le cœur
de Vaquero...
Sur ces mots dignes
du trouvère Thibaud de Champagne, le chef des Cimarons fila en laissant
Zéphyrine songeuse.
Elle passa avec
dignité devant les quatre hidalgos goguenards.
« La civilisation
n'était vraiment pas du côté qu'on pensait ! »
Au milieu des tonneaux de girofle , poivre , cannelle, Zéphyrine interrogea des marins.
L'enquête sur les quais aboutit au -delà de ses espoirs :
« Un brigantin [108] ,
commandé par le capitaine Diego de Almagro, avait quitté Panama quatre jours
auparavant. Il avait à son bord une femme voilée, un enfant, un nain et un
écuyer aux épaules de taureau... »
— Savez-vous
où le vaisseau se rendait? interrogea Zéphyrine, fébrile.
— D'après
la voilure, vers le sud, mais c'est tout ce que je sais, Señora ! répondit le marin en empochant
prestement la pièce d'or que Zéphyrine lui tendait.
La
jeune femme revint, songeuse, à la demeure de frère Angelo.
Elle pensait que
doña Hermina remonterait vers le nord et l'Empire aztèque [109] . Voilà qu'elle
descendait vers le sud.
Cristóbal, le cartographe, arriva sur ces entrefaites pour inviter Zéphyrine à souper de
la part de Sa Grandeur Cortés.
— Mon ami, qu'y
a-t-il à votre avis vers le sud? interrogea Zéphyrine.
Sur la terre
entourant la petite maison du franciscain, Cristóbal dessina l'isthme de la
Castille d'or et deux continents ventrus...
— Messire Cortés a
pris l'Empire aztèque des « Mexicas » ici. Avec son illustre lieutenant Pedro
de Alvarado, il a soumis la royauté des Mixtèques et des Mayas [110] , fondé
Veracruz... Mais là, au sud, señora Zéphyrine, se trouve un grand empire aux
richesses fabuleuses : le Piru [111] !... Sur des centaines de milliers de lieues s'étend le fabuleux Empire inca...
dirigé par un souverain absolu de droit divin, le Sapa Inca.
— Un
brigantin est parti pour le sud, Cristóbal... A votre avis, où va-t-il aborder
?
— Oui, c'est le
capitaine Diego de Almagro, répondit sans difficulté Cristóbal. Il est parti
avec le chanoine Luque en avant- garde... Almagro, señora Zéphyrine, se rend
ici, à Tumbez [112] ,
fit Cristóbal en dessinant une corne sur sa carte.
— Mais,
Cristóbal...
— Venez,
señora Zéphyrine, vous aurez certainement ce soir plus de réponses à vos
questions...
— Alors,
donnez-moi quelques minutes pour me préparer. .
Assez satisfaite
d'avoir réussi le tour de force d'être présentable avec ses cheveux torsadés et
vêtue d'une robe vert pâle simple, mais au décolleté vertigineux, Zéphyrine
arriva avec demoiselle Pluche et Cristobal au palais du gouverneur.
Cortés, superbe, émeraudes
et
Weitere Kostenlose Bücher