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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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continue à
pleurer : « Tout de même, tout de même. »
    C’était le jour où il y eut
tout plein de monde dans la maison. J’étais parti me cacher. Peur de tous ces
gens-là que je connais pas. Et puis, le bruit, ça me fait mal, et il y en a
peut-être qui me prendraient par l’épaule ou me pousseraient. La mère est venue
me chercher.
    — Viens, mon petit Charles,
viens dire bonjour à ta grand-mère, à tes oncles et à tes cousins.
    Elle a un sourire sur le visage
mais ses yeux ne disent pas pareil. Elle a peur, je crois. Moi, j’ai peur
aussi. Je la suis mais c’est dur de monter les marches qui mènent à la grande
pièce où il y a le feu. Je crie un peu et là-dedans il y a des gens. Plein.
    C’est moi qu’ils regardent.
    — Pourquoi il crie, ce
petit ?
    C’est un monsieur grand et bien
habillé. Il me regarde comme s’il était surpris de me voir.
    — Alors, mon petit, c’est à toi
que je parle.
    Il attend quelque chose mais je
ne sais pas quoi. Je ne bouge pas et je commence à avoir mal. Je bouge un peu
et ma jambe a une douleur.
    — Tu bouges drôlement toi, dis
donc. Viens un peu par là.
    Il m’attrape par le bras. La
peur, la douleur tout de suite. Je me mets à crier. Je ne peux pas faire autrement.
C’est ma bouche qui parle toute seule.
    Il me lâche :
    — Mais, Isabelle, il est fou
ton fils ? Il ne parle pas ?
    J’ai peur, très peur et la mère
aussi. Elle part vers l’autre pièce en tenant son tablier contre ses yeux. Je
sais qu’elle a de l’eau dans les yeux.
    Le monsieur est revenu. Il a
apporté de drôles de choses. Comme les outils du menuisier. Il me regarde mais
cette fois-ci il a l’air gentil.
    — Tu n’as même pas peur. Quel
drôle de petit bonhomme. Je connais bien des soldats aguerris qui s’évanouiraient
rien qu’en regardant ces outils. Mais toi non. Allons, je vais tenter de ne pas
te faire souffrir plus que de raison. D’ailleurs, il y a de bonnes chances pour
que d’ici à quelques heures, tu ne souffres plus du tout. Tu seras mort, paralysé,
ou alors… Je ne peux même pas dire comment tu seras. Quel effet cela fait-il de
ne ressentir aucune douleur ? Ce doit être étrange. Allons, bois cela.
    De l’eau dans ma bouche. Ça
fait mal et c’est un mauvais goût qui me fait grimacer.
    — Mais si, bois, je sais bien
que ce n’est pas bon mais ce bon opium t’empêchera de souffrir. Allons, je vais
conjuguer l’effet du liquide avec une inhalation. Attends.
    Ça change dans la chambre. Je
suis tout petit et le plafond est très très haut. Presque aussi haut que le
ciel, et la lampe est comme le soleil. Elle fait aussi mal aux yeux. Avant,
cela ne le faisait pas. Mais maintenant… Et j’ai mal au cœur. Ce qu’il y a à
l’intérieur de moi a envie de sortir. Je sais que cela fait très très mal.
C’est pourquoi aussi je n’aime pas manger. Le père se fâche quand je ne veux
pas manger, il me parle de choses que je ne comprends pas. La mère pleure, elle
commence un geste comme pour l’arrêter mais, souvent, la main du père me tape
la figure et j’ai encore plus mal, alors je crie. Je ne sens plus rien, c’est
comme si je dormais, mais plus fort que d’habitude. Je vois des ombres. C’est
l’ombre du monsieur qui passe au-dessus de moi. J’ai peur mais je ne peux pas
bouger. J’essaye de crier mais je n’y arrive pas. Il fait quelque chose :
il me prend et me retourne sur le lit. Je ne sais pas ce qui m’arrive…
    J’ouvre les yeux et je les
ferme aussitôt. Il y a de la lumière, beaucoup trop de lumière. Je les rouvre.
Je n’ai pas mal cette fois-ci. En fait, je n’ai plus mal du tout. Je ne sens
plus rien. C’est comme s’il n’y avait que ma tête. Je suis sur mon lit mais
j’ai la tête dans les draps. Je veux me tourner car c’est une position qui me
fait mal d’habitude, mais je n’y arrive pas. Je n’ai plus de bras et de jambes.
Mais je n’ai pas mal. J’ai peur et je crie.
    Le monsieur est là. Il me
regarde comme si j’étais quelque chose de curieux.
    — Ce n’est pas la peine de
crier, petit. Tu n’as pas mal, je le sais. Et tu as survécu à l’opération. Ce
n’était pas certain, crois-moi. Je ne le dirai à personne, mais tu as eu de la
chance, beaucoup de chance. Tu dois te reposer. Il faut que les tissus
cicatrisent. Il serait fâcheux tout de même que la plaie s’infecte. Ce serait
vraiment trop bête de mourir maintenant. Je vais te donner encore un peu

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