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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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Signé : Vadier.
     
    « Plus utiles vivants que
morts » ? Il se demanda ce que le Grand Inquisiteur avait bien voulu
dire par là, puis renonça. La Sibylle n’était toujours pas reparue. Il décida
donc de partir.
     
    Notre-Dame sonnait neuf heures
du soir lorsqu’il atteignit l’île de la Cité. Auparavant, il avait pris soin de
se rendre chez un fripier juif proche de la place du Châtelet pour y changer
ses vêtements. Il réquisitionna l’aide du commerçant et lui abandonna en dépôt
son précieux uniforme. Il avait laissé chez la Sibylle tous les documents,
missives et signes distinctifs qu’il portait sur lui, ne gardant que son
pistolet. Sans aucun papier, les ennemis de la Révolution seraient incapables
de le reconnaître, même s’il succombait au cours de sa mission. D’ailleurs, il
avait choisi un costume discret. On aurait pu le prendre pour un de ces nombreux
avocats mis au chômage par l’instauration du Tribunal révolutionnaire,
institution aux mœurs expéditives et qui se passait bien volontiers de leur pratique.
À moins qu’il ne fût un des nombreux curieux venus assister à l’une des séances
où, invariablement, l’accusé était conspué par la foule et condamné par le jury
qui n’avait qu’à mettre le nom de l’accusé sur le jugement de condamnation à
mort pré-imprimé, fourni gracieusement par Fouquier-Tinville.
    La nuit était tombée lorsqu’il
atteignit Notre-Dame.
    Le monument, ancienne gloire
gothique de Paris, n’était plus que l’ombre de lui-même. Aucune réparation
d’importance n’avait été entreprise depuis des siècles, sauf pour détruire les
traces splendides du passé moyenâgeux de la cathédrale. N’avait-on pas remplacé
une partie des précieux vitraux par du verre blanc uniquement pour améliorer
l’éclairage intérieur ? N’avait-on pas détruit une partie du tympan
central et le magnifique bas-relief représentant le Jugement dernier pour
laisser passer plus sûrement le dais des processions ?
    La Révolution avait encore
précipité la chute de ce grand squelette de pierre : toutes les statues
avaient été martelées, décapitées. Même celles des rois de Judée, que le petit
peuple avait pris, à tort, pour les rois de France. Et, injure suprême, le
maître-autel avait été transformé en autel de la déesse Raison.
    L’endroit n’avait plus guère de
vocation religieuse. Ce n’était plus qu’une ruine, un souvenir d’une époque
révolue qu’on n’abattait pas par manque d’argent et qu’on laissait s’écrouler petit
à petit. Sénart ne croyait pas en Dieu, du moins pas au dieu des Romains.
Néanmoins, il n’éprouvait pas cette répugnance commune à la plupart de ses
contemporains pour les constructions gothiques et il ne pouvait s’empêcher de
voir dans la lente descente aux enfers de l’édifice sacré comme un immense gâchis,
qui n’était pas sans lui rappeler l’état de la France tout entière.
    Le parvis n’était pas éclairé,
aussi s’y livrait-on à différentes sortes de trafics : prostitution,
marché noir. On venait aussi y échanger des nouvelles de la journée, le nombre
de condamnés au Tribunal révolutionnaire, les nouvelles des provinces de
l’Ouest qui n’en finissaient pas de se révolter malgré la brutalité inouïe de
la répression jacobine.
    Sénart ignora les badauds, les
trafiquants et les prostituées et se posta sous le tympan central. Derrière
lui, la porte entrouverte laissait parfois passer quelque fidèle qui se
pressait là, une peur sans nom marquée sur le visage. Il n’était pas trop bon
de laisser transparaître sa foi dans l’ancien Dieu des ci-devant sous le règne
des Comités.
    — Vous êtes l’ami de
Saint-Germain ?
    L’intéressé se retourna :
il avait en face de lui un petit homme vêtu de gris, coiffé d’un chapeau de
même couleur. Sa perruque blanche d’un modèle ancien lui donnait l’apparence
d’un ecclésiastique.
    — C’est moi-même en effet.
    — On m’a dit que vous vouliez
rejoindre notre ordre.
    — C’est un fait.
    L’homme ne le regardait pas en
face et parlait sur un ton détaché. Sénart hésita, il aurait pu s’emparer de
lui avec la plus grande facilité et le traîner jusqu’au Comité. Néanmoins, par
pure curiosité, il décida de n’en rien faire.
    — Nous sommes d’une
particulière exigence vis-à-vis des nouveaux venus. Votre ignorance n’est pas
une excuse à nos yeux. À partir de ce

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