la tondue
amour était du mauvais côté ; et pour tous, tu es une criminelle !
— Je n’ai tué ni dénoncé personne !
— Hé, qu’en sais-tu ? Combien en a-t-il tué, de Français, lui, ton Allemand ?
— Il ne tuait personne, il travaillait dans un bureau.
— Ça ne veut rien dire. Il envoyait peut-être de pauvres hommes sans défense dans des camps… Peut-être même des enfants !
— Jamais de la vie ! Il s’occupait du ravitaillement de l’armée d’occupation.
— De mieux en mieux ! Il enlevait le pain aux Français pour l’envoyer aux boches. Ah, le bel emploi que voilà ! »
Yvette tremblait de honte et de désespoir. Mais, pour rien au monde, elle n’aurait voulu le laisser voir à la mère.
Elle saisit son manteau, partit en claquant la porte et s’élança vers la route sans sentir le froid qui lui piquait le visage…
En plein cœur de sa course, elle faillit buter contre la roue du vélo de David. Il fonçait, tête baissée, pour se protéger du vent et la vit au dernier moment.
« Eh bien, où vas-tu si vite ? » cria-t-il étonné, se rattrapant de justesse. Yvette s’arrêta, essoufflée, les yeux remplis de larmes.
— Oh, David, David… » Et elle se jeta dans ses bras.
Il la laissa pleurer longtemps, la berçant comme un enfant, sur cette route que le froid rendait déserte.
« Mais enfin, me diras-tu ce qui se passe ?
— C’est ma mère, elle… elle… »
Elle n’osa continuer et le regarda longuement, oh, si elle pouvait lui raconter sa vie, comme tout serait simple… Si elle pouvait être sûre qu’il la comprenne !
« Une mère, reprit-il songeur, c’est pourtant quelqu’un de si compréhensif, remplie d’amour. Moi, j’ai perdu la mienne et je n’arrive pas à m’en guérir… Elle ne devait pas être comme la tienne ! Mais qu’a-t-elle donc pu faire pour te mettre dans cet état ?
— Elle… Elle a deviné des choses qui… des choses que je ne voulais pas qu’elle sache.
— Des choses que tu as faites ?
— Oui !… »
David se tut un moment, puis demanda :
« Yvette, as-tu fait des choses si mauvaises que ta mère te rejette ?… Ce n’est pas possible, voyons…
— Si, parce que ce n’est pas ma mère, mais ma belle-mère et qu’elle ne m’aime pas… Elle ne m’a jamais aimée ! » Et elle éclata en lourds sanglots qui la faisaient hoqueter dans les bras de David.
Un long silence s’installa puis, David lui releva le menton et la regarda profondément.
« Yvette, ne pleure plus… Je t’aime, moi ! »
Brusquement ses sanglots s’arrêtèrent et son visage s’illumina.
« Oh, David, c’est vrai ?
— Eh oui, soupira-t-il, Dieu sait que je ne pensais pas à l’amour en venant ici, dans ce pays perdu ! Et pourtant, reprit-il en la reprenant dans ses bras, je t’ai aimée tout de suite. J’ai attendu, lutté… Je ne voulais pas… Je m’étais fixé un but en venant ici… Et maintenant… »
Mais Yvette n’écoutait plus. Toute à son bonheur, elle ne songeait qu’à la joie d’avoir quelqu’un qui l’aimait. Quand elle sortit de son extase, elle pensa soudain à son passé et tourna vers David un visage décomposé.
« David, il faut que je te dise… Tu n’es pas le premier, je…
— Oh, je comprends. Toi non plus, tu n’es pas la première. Quand j’étais étudiant…
— Non, ce n’est pas ça. À Paris, j’ai eu une liaison avec…
— Je ne veux pas le savoir. Tout ça appartient à ton passé, c’était ta vie avant moi. C’est fini, n’est-ce pas ?
— Oui, mais… »
Il lui mit un doigt sur les lèvres.
« Alors, n’en parlons plus et pensons à nous… Si je ne me trompe, tu ne m’as pas dit que tu m’aimais, toi !
— David ! » s’exclama-t-elle en se serrant contre lui.
Le temps pouvait passer, l’âpre bise leur fouetter le visage, ni Yvette ni David ne s’en aperçurent… Quand, le soir, Yvette rentra chez elle avec des yeux pleins d’étoiles, la mère ne dit rien mais cela l’étonna très fort et elle ne put s’empêcher de se poser des questions. Elle ne devina pas la réponse…
XIII
Le secret de David
Deux semaines passèrent, et le froid durait toujours. Le père décida alors qu’il était temps de s’occuper des cochons. Il en avait déjà vendu plusieurs, mais restait à sacrifier le dernier, qui dépérissait s’il devait vivre seul trop longtemps.
Le sacrifice du cochon demandait beaucoup de
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