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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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que lui tendait Jeannot.
    Les deux frères y allèrent d’une dispute. Jeannot accusait Marcel de ne pas aiguiser convenablement les couteaux de la précieuse machine. L’autre ripostait qu’il était aisé de s’en prendre à autrui quand on n’y entendait rien soi-même…
    Enfin, tout rentra dans l’ordre et, bientôt, deux corbeilles de saucisses et de saucissons s’étalèrent sur le plancher de la cuisine.
    Depuis la fin du repas de midi, les femmes travaillaient aux boudins. Elles emboyautaient, à grands coups de louche, le sang aromatisé. Elles plongeaient dans l’eau chaude ces longues écharpes sombres avec des précautions inouïes.
    Le père, qui rôdait par-là, ne put résister à l’envie de taquiner un peu ces commères piaillardes. Il prit une énorme bûche qu’il fourra subrepticement dans le foyer. Quand Fernande s’en aperçut, elle cria au crime :
    « Mais, Joseph, vous voulez tout gâcher ! Vous savez bien que le feu doit être très doux pour les boudins…
    — Qu’est-ce que j’en sais, moi, de vos histoires de cochonnailles ! Je faisais ça pour vous faire plaisir !
    — Sûrement ! Pour nous embêter, oui… »
    Le père se hâta vers la porte, riant sous cape.
    En fin de soirée, le travail terminé, la fatigue se faisait sentir. Les cousins étaient affalés sur des chaises et leurs plaisanteries envolées.
    Le souper mitonnait. Les femmes, à grands coups d’éponge, lavaient avec soin la table où devait se dérouler le repas.
    Yvette calculait et recalculait le nombre d’assiettes qu’elle devait étaler sur la table en noyer de la cuisine. Avec ses rallonges ouvertes, celle-ci paraissait encore plus massive.
    « N’oublie pas mon copain David ! lui lança Jacques avec un clin d’œil appuyé.
    — Qui est-ce encore que celui-là ? interrogea le père, il n’est pas d’ici ?
    — Non, il habite Mende mais il vient d’ailleurs. Il travaille à la poste. »
    Bientôt les invités arrivèrent et l’immense table parut se rétrécir et prendre vie à la fois. Les chaises tirées, chacun s’installa sans manière et se servit de soupe. Le repas commença. David, coincé entre Jacques et un cousin, semblait plutôt mal à l’aise. Il n’osait pas lever les yeux sur Yvette qui lui jetait, de temps en temps, un regard anxieux.
    Les discussions roulèrent toutes sur l’incontournable politique et les dernières nouvelles de la région.
    À un certain moment, Yvette surprit le regard étonné et pensif de la mère, posé sur David. La main devant la bouche, Clémence paraissait en proie à une grande perplexité. Elle plissait le front comme si un souvenir venait s’imposer à sa mémoire, malgré elle, et qu’elle essayât en vain de le chasser. Quand elle vit qu’Yvette la regardait, elle se détourna vite, non sans lui avoir lancé un regard noir.
    Après les remerciements d’usage, munis d’un panier garni, cousins et cousines partirent dans la nuit.
    Les phares de la voiture faisaient un halo jaune où passaient lentement quelques flocons de neige.
    « M’est avis que demain, nous aurons la neige », constata Marcel. Il offrit à David de le ramener en voiture et de hisser le vélo sur l’impériale. Mais celui-ci refusa. Il avait l’habitude, expliqua-t-il, de voyager par n’importe quel temps.
    « Comme tu voudras, fit-il en embrayant dans un bruit de ferraille. »
    Yvette et la mère, malgré leur fatigue, rangèrent la table et firent la vaisselle, quand tous furent partis.
    Clémence demanda nerveusement à la jeune fille :
    « Tu le connais le copain de Jacques ?
    — David ?… Oui, un peu, répondit-elle sans se compromettre.
    — Où a-t-il été le chercher ?
    — Il… Il travaille à la poste, à Mende et il vient quelquefois, avec la bande…
    — Il ne me plaît pas… D’abord, il n’est pas d’ici…
    Il n’a pas l’accent. »
    Yvette la regarda, étonnée. David n’avait presque pas ouvert la bouche et la mère parlait de son accent !
    Après un long silence, entrecoupé seulement du tintement cristallin de la vaisselle, Clémence reprit d’une voix rauque :
    « Ce type-là, n’est pas une fréquentation pour Jacques… D’abord, c’est un youpin !
    — Un quoi ?
    — Un juif, pardi. Oh, je sais, maintenant, on parle beaucoup de ce pauvre peuple martyrisé… Mais, pour moi, un juif reste un juif et rien ne me fera changer.
    — Comment tu as vu que c’était un juif ?
    — Ma petite,

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