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la tondue

la tondue

Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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travail, mais le soir, c’était la fête. À part la famille, des amis se retrouvaient autour de la table pour savourer “la charbounade”, un souper pantagruélique. Le ragoût de viande fraîche et de pommes de terre donnait son nom au repas. Il voisinait avec les saucisses d’herbes et de chair, le boudin tout fumant, clair et luisant dont se délectaient les connaisseurs.
    Jacques, toujours bon enfant, invitait les copains. Yvette lui avait demandé, un soir où ils se trouvaient seuls, s’il pouvait faire passer David pour un de ses amis et le convier à la charbounade.
    Le jeune homme la regarda avec malice :
    « Tiens, tiens, les amoureux se sont enfin décidés ! Je croyais que ça n’arriverait jamais !
    — Tu étais au courant ?
    — C’est un secret de polichinelle !
    — Oh !…
    — Tu es bien la seule à ne pas l’avoir deviné. Il te dévore des yeux ! »
    Il ajouta comme pour lui seul :
    « Il est bien, mais on dirait qu’il cache quelque chose. »
    Yvette tressaillit :
    « Que veux-tu dire ?
    — Rien, une idée… Pourtant, je jurerais… »
    Il n’acheva pas et partit, laissant Yvette perplexe. Elle réfléchit un moment, se demandant ce qu’un blanc-bec de vingt ans comme Jacques pouvait deviner d’un garçon arrivé et presque adulte comme David.
    Puis elle haussa les épaules et chassa cette réflexion de sa mémoire.
     
    Donc, ce mercredi, arrivèrent les cousins de Mende qui étaient experts en l’art de la boucherie familiale. Jeannot, l’aîné, l’avait appris de son père et savait saigner la bête proprement.
    Marcel, son frère, s’occupait de charcuter, saler, poivrer l’énorme tas de viande qui, l’après-midi, allait remplir la table de la cuisine.
    Dès l’aube, le père – qui n’aimait pas “cette sale journée”, comme il l’appelait – avait allumé un grand feu dans la cour, sous la lessiveuse qu’Yvette avait remplie d’eau la veille.
    La fumée que rabattait le vent le forçait à s’abriter dans l’étable, où la mère trayait déjà les vaches étonnées de cette heure matinale.
    Clémence ne tenait pas en place, de peur de gâcher cette journée si importante. Ails, choux, salades étaient fins prêts depuis trois jours et attendaient, rangés à la cave. Quant à elle, l’œil collé à la fenêtre, elle surveillait le tournant où devaient apparaître les cousins.
    Ils arrivèrent enfin quand les neuf heures étaient bien entamées, alors que la mère avait épuisé toutes les prières et passé en revue tous les accidents qui auraient pu les empêcher de venir.
    Avec de gros rires, ils plaisantèrent sur leur cousine Clémence et se moquèrent de ses frayeurs. Après un grand verre de rouge, ils sortirent leurs couteaux et se mirent à la besogne.
    Le banc dûment installé dans la cour, la mère prit le seau à pâtée et, suivie du groupe, se dirigea vers la soue.
    Le cochon, pris d’un sinistre pressentiment, s’obstinait à ne pas vouloir sortir. Les hommes durent le pousser et le coucher sur le banc aidés de quelques voisins venus prêter main forte et que les cris de l’animal avaient attirés.
    Jeannot plongea le couteau dans la chair pantelante. Le sang gicla dans le seau que tenait la mère, auréolant son tablier de grosses étoiles rouges.
    Alors, tout alla très vite. Clémence emporta précieusement le sang en le malaxant furieusement. Les cousins versèrent de pleines casseroles d’eau bouillante sur le corps du cochon. Vidé de son sang, il reposait, comme étonné, sur le banc noirâtre.
    Les voisins étaient repartis vaquer à leurs occupations, emmenant le père qui s’était trouvé, soudain, un travail pressant et éloigné à faire.
    La mère grommela pour la forme car elle connaissait son homme et savait qu’il ne se ferait jamais à ce qu’il appelait “la grande boucherie”.
    Yvette, malgré sa répugnance, dut s’occuper de démêler les boyaux avec Fernande et Augustine, les cousines de Mende. Elle les accompagna à la rivière et admira leur adresse pour nettoyer, rincer et retourner les boyaux en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
    Après le repas de midi où chacun se régala de “pourquet” – du lard de poitrine tout frais et cuit dans la soupe –, le travail reprit.
    La viande découpée fut passée à la machine que Marcel tira de son sac. Bien calée sur le rebord de la table, la machine grinçait et regimbait, refoulant les plus gros morceaux de chair

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