La Traque des Bannis
falloir en trouver davantage. Soudain, en entendant parler de viande, il reprit un peu d’entrain.
— Des légumes ? De la farine ? Des céréales ?
Bacari eut un autre haussement d’épaules. Un geste irritant, qui exprimait un mépris certain envers son interlocuteur, pensa Tennyson.
— C’est possible, répondit le Génovésien. L’endroit semble plutôt prospère.
Le gros homme plissa les yeux, soudain méfiant.
— Les habitants sont nombreux ?
— J’en ai aperçu deux, pour l’instant. Il sera facile de s’en charger.
— Parfait !
Tennyson se leva avec un regain d’enthousiasme. Il jeta un coup d’œil à son assiette avant de s’en emparer pour aller jeter son contenu dans les buissons, au bord du chemin.
— Rolf ! lança-t-il à l’un de ses hommes de main. Que tout le monde se prépare à repartir ! Les Génovésiens nous ont trouvé à manger !
Cette nouvelle redonna du courage à la bande. Les regards hargneux et les marmonnements furieux des derniers jours disparurent. Étonnant comme la perspective d’un ventre plein pouvait revigorer le moral de quelqu’un, songea Tennyson.
****
La ferme, une bâtisse au toit de chaume qui paraissait bien entretenue, jouxtait une grange. De la fumée s’élevait en volutes paresseuses de la cheminée. Dans un champ cultivé, de jeunes pousses vertes pointaient du sol – du chou, supposa Tennyson. À l’approche des Bannis, un homme quitta la grange, suivi d’une vache noire qu’il tenait par une corde. Il portait les habits typiques de la région – un long plaid passé sur les épaules et un kilt roulé autour de la taille. Dès qu’il remarqua les nouveaux venus, il s’arrêta net. La vache baissa la tête pour brouter les hautes herbes.
Tennyson salua le fermier scotti d’un geste de la main et s’avança vers lui. Rolf et les autres se déployèrent de chaque côté de leur chef. Bacari et Marisi, le second Génovésien, se placèrent derrière le faux prophète, en tenant discrètement leur arbalète le long du corps.
Le fermier se tourna vers la maison pour appeler quelqu’un. Quelques secondes plus tard, une femme apparut sur le seuil et vint le rejoindre. Tous deux semblaient prêts à défendre leur demeure.
— Nous venons en paix, déclara Tennyson. Nous ne vous voulons aucun mal.
L’homme répondit dans son propre dialecte – le Banni ne comprit pas un traître mot de ses paroles, mais leur sens lui parut clair : partez d’ici. Puis le Scotti se pencha pour extirper quelque chose de sa botte de cuir. Lorsqu’il se redressa, les Bannis virent qu’il avait à la main une longue dague à lame noire. Tennyson lui adressa un sourire qui se voulait rassurant, tout en continuant son approche.
— Nous avons besoin de victuailles, expliqua-t-il. Nous avons de quoi vous payer.
Le faux prophète n’avait pas l’intention de débourser un sou ; il ne savait si le fermier connaissait la lingua franca dans laquelle il s’exprimait – certainement pas, dans ces régions reculées –, mais ce qui importait était de s’adresser à lui sur un ton apaisant et conciliant.
Cependant, le Scotti ne paraissait pas convaincu. Il se retourna pour pousser d’un geste brusque sa vache vers la grange, avec l’intention visible de la mettre à l’abri. L’animal, effrayé, s’éloigna d’un pas lourd.
— Tuez-le, ordonna Tennyson avec calme.
Presque immédiatement, il entendit le mécanisme de l’arbalète de chaque Génovésien s’enclencher. Deux carreaux traversèrent le champ et se fichèrent dans le dos de l’homme. Celui-ci leva les bras au ciel, poussa un cri étranglé et s’effondra face contre terre. La femme laissa échapper un hurlement et tomba à genoux près de lui ; elle le secoua comme pour tenter de le réveiller. Tennyson, lui, savait que le fermier était mort avant même d’avoir touché le sol. En revanche, il fallut une minute ou deux à la paysanne pour le comprendre. Alors, elle se redressa, lança ce qui devait être un juron et partit en courant.Elle ne fit pas trois pas : Bacari décocha de nouveau et elle s’écroula à son tour, à quelques mètres du fermier.
La vache, apeurée par les cris et par l’odeur métallique du sang, s’était immobilisée en secouant la tête, comme pour menacer les étrangers.
Nolan, un individu costaud qui appartenait au noyau dur des disciples de Tennyson, s’avança pour attraper la vache par son collier. Celle-ci fixa l’homme avec
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