La Traque des Bannis
prairies et, un peu plus loin, ils aperçurent le cours d’eau sinueux dont les berges étaient bordées d’arbres.
— Je ne suis pas mécontent de quitter cet endroit, déclara Horace.
— Tu as raison, approuva Halt avec un sourire. Je ne cessais d’imaginer que ces fichus Génovésiens avaient peut-être mijoté un mauvais coup.
— Ces Génovésiens ? sursuta Will. Combien en reste-t-il, selon toi ?
Halt le regarda d’un air confus.
— Deux, dit-il. Non. Un seul, évidemment, puisque tu as abattu l’autre.
— Nous l’avons abattu ensemble, lui rappela le jeune homme.
L’espace d’une seconde, le visage du vieux Rôdeur resta vide de toute expression, puis il hocha la tête, comme si la mémoire lui était revenue.
— Bien sûr. Ai-je dit qu’il en restait deux ? s’enquit-il, les sourcils froncés.
— Oui, répondit Will.
Halt eut un rire bref avant de secouer de nouveau la tête.
— Quel étourdi je fais ! lança-t-il d’un ton joyeux.
Will avait l’impression que quelque chose clochait. D’ordinaire, Halt n’était pas aussi affable. Et jamais il ne se montrait étourdi.
— Halt ? Tu es certain que tout va bien ? demanda-t-il d’un ton incertain, car il craignait d’offenser son mentor.
— Naturellement, répliqua celui-ci, cette fois plus vertement. À présent, il nous faut trouver ce gué.
Coupant court à la conversation, il toucha du talon le flanc d’Abelard et partit le premier. Un instant plus tard, Will remarqua que son ancien maître ne cessait de frotter sa blessure.
— Tu as encore mal ? demanda-t-il.
Halt ôta aussitôt la main de son bras.
— Non, tout va bien, rétorqua-t-il d’un ton tranchant.
Will et Horace échangèrent un regard perplexe. Puis le chevalier haussa les épaules. Ce n’était pas la première fois que le comportement du vieux Rôdeur l’intriguait. Il était accoutumé à ses sautes d’humeur. En revanche, Will était peu enclin à écarter le sujet, mais il hésitait à confier son inquiétude grandissante à Horace, ne sachant pas vraiment comment la formuler.
Ils atteignirent bientôt le gué. À cet endroit, la rivière était plus large, son lit moins profond et les courants par conséquent moins forts. Halt fit entrer Abelard dans l’eau et, après avoir parcouru quelques mètres, se pencha sur le côté.
— Le fond sableux est bien visible, annonça-t-il. Et il a l’air stable.
Il s’avança un peu plus. L’eau monta jusqu’aux genoux du petit cheval, pas davantage.
— Venez, ordonna-t-il à ses deux compagnons.
Will et Horace obéirent ; une fois près de lui, ils ralentirent. Halt reprit son chemin sans cesser de vérifier le fond pour éviter de perdre pied. Par prudence, les deux jeunes gens le suivirent à quelques mètres de distance, mais ils ne rencontrèrent aucun trou d’eau, et le niveaucommença à baisser dès qu’ils eurent passé le milieu de la rivière. Quelques minutes plus tard, ils atteignirent la berge opposée.
— Tiens tiens, qu’avons-nous donc là ? dit Halt en indiquant la rive qui remontait en pente douce.
Le sol boueux, qui semblait avoir été piétiné peu de temps auparavant, était constellé de traces qui s’éloignaient de la rive.
Will mit pied à terre et s’agenouilla pour les examiner. Il reconnut plusieurs empreintes et devina que la plupart des hommes qu’ils pourchassaient allaient toujours à pied.
— Ce sont bien les Bannis, annonça-t-il en levant les yeux vers le vieux Rôdeur.
Celui-ci acquiesça, puis balaya l’horizon du regard.
— Ils continuent de se diriger vers le sud ? demanda Halt.
— Oui.
Le vieux Rôdeur réfléchit un instant, se gratta la barbe et proposa :
— Nous devrions peut-être camper ici cette nuit.
Will, qui n’était pas sûr d’avoir bien compris, lui lança un coup d’œil appuyé.
— Camper ? s’exclama-t-il d’une voix étonnée. Mais enfin, Halt, il n’est pas encore midi ! Nous avons des heures devant nous avant la tombée de la nuit.
Le vieux Rôdeur hésita, puis hocha la tête.
— Tu as raison. Partons à leur poursuite. Passe en tête, Will.
Halt paraissait distrait, songea le jeune homme en enfourchant de nouveau son cheval. De temps à autre, le vieux Rôdeur opinait du chef, comme s’il se parlait à lui-même. Il marmonna bientôt, mais si bas que Will ne pouvait distinguer le moindre mot. L’inquiétude qu’il éprouvait depuis déjà un bon moment céda alors la place au tourment.
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