La Traque des Bannis
mais ses yeux étaient ouverts et il avait repris un peu de couleur. Que ce soit le pavot, les soins du jeune Rôdeur ou une simple coïncidence, il avait en tout cas repris connaissance.
Cette fois, Will ne put retenir ses larmes et les laissa couler librement sur ses joues.
Halt était vivant. Et il paraissait aller mieux.
Lorsque le campement fut dressé, Will et Horace soulevèrent Halt avec précaution.
Le vieux Rôdeur protesta, les chassa d’un geste et essaya de se relever seul. Mais les forces lui manquèrent avant même qu’il réussisse à s’asseoir et, tandis qu’il s’effondrait, Will perçut une brève lueur de frayeur dans les yeux du vieux Rôdeur.
— Je crois que vous feriez mieux de me porter, finit-il par admettre.
Horace avait installé un auvent, sous lequel Halt serait abrité du soleil. Will regarda autour de lui, puis jeta un coup d’œil vers le ciel.
— Le temps restera au beau ce soir, déclara-t-il. Inutile de fermer la tente, l’air frais lui fera peut-être du bien.
Ce n’était qu’une hypothèse, mais il était convaincu qu’un endroit trop confiné ne conviendrait pas à Halt dans les heures à venir ; il n’avait pas oublié l’odeur de putréfaction, certes atténuée, que la blessure continuait de dégager. Si son ancien maître se retrouvait dans un lieu clos, elle pourrait bien devenir insupportable.
Dès qu’ils eurent étendu le blessé sur son sac de couchage, il perdit de nouveau connaissance, puis se mit à marmonner et à s’agiter dans son sommeil. Sa respiration paraissait cependant plus régulière. Wills’assit près de lui et entreprit de le veiller, sans cesser de le scruter, pareil à un épervier.
Au bout d’un moment, Horace plaça la main sur l’épaule de son ami.
— À mon tour de m’occuper de lui. Toi, tu as besoin de repos.
Will fit non de la tête.
— Ne t’inquiète pas, je préfère rester avec lui.
Horace acquiesça. Il comprenait ce qu’éprouvait le jeune Rôdeur.
— Très bien. Mais si tu as envie d’une pause, je prendrai la relève.
En guise de réponse, Will grommela, et le guerrier alla s’activer de son côté, préparant un bouillon qu’ils pourraient servir à Halt lorsqu’il se réveillerait. Par expérience, Horace savait que ce genre de nourriture convenait aux malades. Il le laissa frémir au bord du feu, puis cuisina un repas très simple pour Will et lui – du pain plat, du bœuf froid et des légumes marinés. Il apporta une assiette à Will, qui n’avait pas changé de position.
— Merci, dit le jeune Rôdeur en acceptant l’assiette et en lui adressant un bref regard.
Puis il se tourna vers Halt et se mit à manger machinalement.
Alors que le soleil s’apprêtait à se coucher, Halt souleva les paupières. L’espace d’un instant, il dévisagea ses compagnons d’un air intrigué, comme s’il tâchait de se rappeler ce qui lui était arrivé et de comprendre pourquoi Will, enveloppé dans sa cape, était assoupi près de lui. Puis tout lui revint en mémoire lorsqu’il porta les yeux sur son bras bandé. Une main glaciale se referma sur son cœur.
Il laissa échapper un petit gémissement. Will se réveilla en sursaut.
— Halt ! s’exclama-t-il, visiblement soulagé.
Le vieux Rôdeur, très faible, agita la main. Non loin de la tente, Abelard dressa les oreilles et hennit brièvement avant de s’approcher de son maître. Depuis que Halt était allongé sous l’auvent, le cheval ne s’était pas éloigné de plus de quelques mètres.
Halt lui adressa un léger sourire.
— Bonjour, mon grand. Tu t’es inquiété pour moi, pas vrai ?
Abelard baissa le nez vers la joue de Halt. Celui-ci lui murmura quelques mots en gallique, ainsi qu’il le faisait lorsqu’il voulait lui parler en tête à tête. À voir le Rôdeur et sa monture ainsi, tout près l’un de l’autre, unis par des liens si forts, Will sentit ses larmes jaillir de nouveau. Mais cette fois, c’étaient des larmes d’apaisement.
De son bras indemne, Halt repoussa gentiment Abelard.
— Allez, file. Will et moi avons besoin de discuter.
Le cheval recula de quelques pas. Il garda pourtant les oreilles dressées, à l’affût du moindre geste ou son qu’aurait pu faire son maître. Will s’approcha à son tour et prit la main de Halt. En s’apercevant que ce dernier parvenait à peine à serrer la sienne, le jeune Rôdeur sentit un frisson de peur le parcourir. Puis il écarta toute pensée
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