La Vallée des chevaux
rythme
régulier du sommeil et il avait le front légèrement froncé.
Jondalar faisait semblant de dormir. Il attendait, les muscles
tendus, luttant contre l’envie d’ouvrir les yeux pour voir si elle était à côté
de lui. Pourquoi se tenait-elle aussi tranquille ? Pourquoi n’était-elle
pas repartie en voyant qu’il avait les yeux fermés ? Jondalar aurait bien
aimé pouvoir bouger : il avait des fourmillements dans le bras. A force de
rester dans la même position, sa jambe lui faisait mal et il avait le dos en
feu. Peut-être était-elle repartie sans qu’il l’entende ? Et sinon,
pourquoi restait-elle là à le regarder ?
Après avoir longuement fixé Jondalar, Ayla se dit qu’elle en
prenait un peu trop à son aise. Non seulement elle n’avait pas cessé de
regarder cet homme dans les yeux depuis qu’il vivait avec elle, ce que jamais
une femme du Clan se serait permis, mais elle avait fait une grave entorse à
ses devoirs de guérisseuse en le laissant seul au soleil. Peut-être était-il
temps de se souvenir de ce qu’Iza lui avait appris. Assise en tailleur sur le
sol, tenant le bol de datura entre ses deux mains, elle baissa les yeux et
inclina la tête, comme faisaient les femmes du Clan, puis attendit que Jondalar
lui réponde en lui tapant sur l’épaule.
Jondalar entrouvrit les yeux pour voir si elle était toujours
là. Apercevant ses pieds, il baissa aussitôt les paupières. Que faisait-elle
assise là ? Qu’attendait-elle ? Pourquoi ne s’en allait-elle pas et
ne le laissait-elle pas seul avec sa peine et son humiliation ? Les yeux
mi-clos, il jeta un nouveau coup d’œil. Ses pieds étaient toujours au même
endroit ! Elle était assise en tailleur et tenait un bol entre les mains.
Oh, Doni ! Comme il avait soif ! Était-ce pour lui ? Était-elle
en train d’attendre qu’il se réveille pour lui proposer un médicament ?
Elle aurait dû le secouer au lieu d’attendre.
Jondalar ouvrit les yeux. Ayla était assise à côté de sa couche,
la tête baissée. Elle portait un autre vêtement, toujours aussi informe, et
elle avait de nouveau tressé ses cheveux. La peau dont elle était vêtue était
propre et n’avait jamais été portée. Son visage n’avait plus aucune trace de
suie. Non seulement elle était propre et fraîche mais toute son attitude
exprimait une candeur sans fard. Ni artifice, ni affectation, ni coups d’œil
suggestifs.
Ses cheveux tressés serré et ce vêtement plein de plis et de
poches ne faisaient que renforcer cette impression. Là résidait l’astuce :
dissimuler avec un art consommé son corps de femme et sa chevelure splendide.
Elle ne pouvait pas cacher son visage mais l’habitude qu’elle avait de baisser
les yeux ou de ne pas vous regarder en face détournait l’attention et on
remarquait à peine sa beauté. Pourquoi se cachait-elle ainsi ? Cela
faisait-il partie de l’épreuve qu’elle était en train de subir ? La
plupart des femmes auraient au contraire mis en valeur un corps aussi
magnifique, tiré tous les avantages possibles d’une chevelure pareille et donné
tout ce qu’elles avaient pour posséder un visage d’une telle beauté.
Pourquoi reste-t-elle immobile ? se demandait Jondalar.
Peut-être qu’elle ne veut pas me regarder, se dit-il en repensant, non sans
honte, à ce qui s’était passé un peu plus tôt. Le bras tout engourdi à force de
ne pas bouger, il finit par se décider.
Au moment où il bougeait son bras, Ayla leva les yeux. Ses
efforts pour bien se conduire n’avaient servi à rien : Jondalar ne
connaissait pas le signal et jamais il ne lui taperait sur l’épaule. Il fut
surpris de voir qu’elle le regardait d’un air contrit et presque suppliant. Il
n’y avait au fond de ses yeux ni condamnation, ni rejet, ni même de la pitié.
Elle semblait au moins aussi gênée que lui. Qu’est-ce qui pouvait bien la
gêner ?
Elle lui tendit le bol. Jondalar en but une gorgée. Le
médicament était amer et il fit la grimace. Il finit pourtant le contenu du
bol, puis se rinça la bouche avec l’eau que contenait l’outre placée à côté de
sa couche. Il s’étendit à nouveau, mais ne réussit pas à trouver une bonne position.
Ayla lui fit signe de se rasseoir et elle remit de l’ordre dans les fourrures
et les peaux de son lit. Jondalar attendit un moment avant de se recoucher.
— Je me pose tellement de questions à ton sujet, Ayla,
dit-il. J’espère qu’un jour tu pourras
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