La Vallée des chevaux
l’ouverture de la caverne quand,
soudain, elle s’arrêta, médusée. Elle se frotta les yeux et regarda à nouveau.
La viande, coupée avec soin en petits morceaux de forme triangulaire, était
suspendue sur les cordes tendues. Pour la faire sécher, on avait allumé de
petits feux placés entres les cordes à intervalles réguliers. Était-elle encore
en train de rêver ? Les autres femmes du Clan avaient-elles soudain surgi
pour l’aider ?
— J’ai mis à cuire un cuissot sur le feu, annonça Jondalar
en souriant d’un air satisfait. Si tu as faim, ne te gêne pas.
— C’est toi qui as fait ça ?
— Oui, c’est moi, répondit-il en souriant de plus belle.
Même s’il n’était pas en mesure de chasser pour l’instant, il
était au moins capable d’écorcher un animal et de mettre la viande à sécher,
surtout maintenant qu’il avait fabriqué de nouveaux couteaux.
— Mais... tu es un homme ! s’écria-t-elle,
complètement stupéfaite. A ses yeux, la tâche accomplie par Jondalar durant la
nuit était quelque chose d’incroyable. En effet, c’était uniquement en puisant
dans leurs souvenirs que les membres du Clan acquéraient les connaissances et
les aptitudes dont ils avaient besoin pour survivre. Dans leur cas, l’instinct
avait évolué de telle façon qu’ils pouvaient se remémorer les aptitudes de
leurs ancêtres et les léguer, emmagasinées à l’arrière de leur cerveau, à leurs
descendants. Les hommes et les femmes accomplissaient des tâches différenciées
depuis tant de générations que chaque sexe possédait des souvenirs distinctifs.
Un homme était incapable de se charger des tâches dévolues aux femmes pour la
bonne raison qu’il n’en possédait pas le souvenir.
Un homme du Clan aurait été capable de chasser les deux cerfs ou
de les ramener à la caverne. Il aurait même pu les écorcher, mais il aurait
alors accompli cette tâche moins bien qu’une femme. S’il avait eu faim, il aurait
découpé l’animal en gros morceaux. Mais jamais il ne lui serait venu à l’idée
de préparer la viande pour la faire sécher et, s’il avait été dans l’obligation
de le faire, il n’aurait pas su comment s’y prendre. Aucun homme du Clan
n’aurait été capable de découper la viande en petits morceaux réguliers comme
ceux qui étaient en train de sécher sur la corniche.
— Un homme n’a pas le droit de découper la viande ?
demanda Jondalar.
Il savait que chaque peuple possédait ses coutumes et que
certains étaient très à cheval sur les tâches dévolues aux hommes et aux
femmes. Mais jamais il n’aurait pensé l’offenser en préparant le gibier qu’elle
avait rapporté.
— Dans le Clan, les femmes ne peuvent pas chasser et les
hommes ne peuvent pas... préparer la nourriture.
— Et pourtant, tu chasses...
Cette remarque la surprit : elle avait tendance à oublier à
quel point elle pouvait être différente de ceux qui l’avaient élevée.
— Je ne suis pas une femme du Clan, dit-elle. Je suis comme
toi, Jondalar. Je fais partie des Autres.
23
Ayla arrêta Whinney, descendit de la jument et tendit à
Jondalar la gourde ruisselante. Il la porta aussitôt à ses lèvres pour étancher
sa soif. Ils se trouvaient tout au bout de la vallée, pratiquement dans les
steppes, et à bonne distance de la rivière.
Debout au milieu des hautes herbes dorées de la prairie qui
ondoyaient sous la brise, ils avaient ramassé des grains de millet et de seigle
sauvage. Il y avait aussi à cet endroit de l’orge à deux rangs, dont les
grandes tiges en train de mûrir se balançaient dans le vent, du petit épeautre
et une variété de blé à deux épillets. La tâche qui consistait à remonter la
main le long de chaque tige pour la débarrasser de ses petits grains durs était
plutôt pénible. Chacun d’eux portait, attaché autour du cou pour garder les
mains libres, un panier divisé en deux parties. Dans l’une, ils plaçaient le
millet, facile à ramasser mais qu’il faudrait ensuite trier, et dans l’autre,
l’orge qui n’aurait pas besoin d’être battue.
Ayla remit son panier autour du cou et reprit son travail.
Jondalar lui emboîta le pas. Ils continuèrent à ramasser des grains en avançant
l’un à côté de l’autre jusqu’à ce que Jondalar s’arrête pour demander :
— Quel effet cela fait-il de monter à cheval, Ayla ?
— C’est difficile à dire, répondit-elle en s’arrêtant
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