La Vallée des chevaux
beuglait de terreur. Ayla
sursauta. Le tigre à dents de sabre feula dans sa direction, la gueule et les
crocs ruisselants du sang de l’aurochs. Il s’avança vers elle et plus il
approchait, plus ses crocs s’allongeaient et devenaient acérés.
Ayla était maintenant à l’intérieur d’une grotte minuscule,
tapie contre la paroi rocheuse qui se trouvait dans son dos. Un lion des
cavernes rugit.
— Non ! Non ! hurla-t-elle.
Une patte gigantesque, toutes griffes sorties, s’enfonça et
creusa dans sa cuisse gauche quatre entailles parallèles.
— Non ! Non ! hurla-t-elle alors que le
brouillard tourbillonnait autour d’elle. Je ne peux pas me souvenir !
— Je vais t’aider, lui proposa la femme de haute taille en
lui tendant les bras.
Pendant un court instant, le brouillard s’éclaircit et Ayla
aperçut un visage qui ressemblait au sien. Prise d’une nausée, elle sentit
soudain une odeur aigre et infecte, un mélange d’humidité et de racines à nu,
exhalée par la terre qui, ébranlée par un tremblement de terre, venait de
s’entrouvrir.
— Mère ! Mère !
— Que se passe-t-il, Ayla ? demanda Jondalar en la
secouant.
Il se trouvait sur la corniche quand il avait entendu Ayla
appeler dans une langue inconnue et il s’était précipité à l’intérieur aussi
vite qu’il avait pu.
Ayla s’assit sur sa couche et il la prit dans ses bras.
— C’était à nouveau ce rêve, Jondalar ! Ce terrible
cauchemar ! dit-elle en sanglotant.
— Tout va bien maintenant, Ayla.
— C’était un tremblement de terre. Elle a été tuée par un
tremblement de terre.
— Qui a été tuée dans un tremblement de terre ?
— Ma mère. Et Creb, lui aussi, est mort comme ça. Je hais
les tremblements de terre ! s’écria-t-elle en frissonnant.
La prenant par les deux épaules, Jondalar l’obligea à reculer
pour qu’il puisse la regarder.
— Raconte-moi ton rêve, lui proposa-t-il.
— Il s’agit de deux rêves distincts qui reviennent
régulièrement aussi loin que remontent mes souvenirs. Dans le premier, je suis
tapie au fond d’une grotte minuscule et une patte gigantesque s’avance vers
moi. Je crois que c’est comme ça que j’ai été marquée par mon totem. Le second
rêve, jusqu’ici, je n’étais jamais arrivée à m’en souvenir, mais quand je me
réveillais, je tremblais et j’avais mal au cœur. Cette fois-ci, je m’en
souviens. Je l’ai vue, Jondalar. J’ai vu ma mère !
— As-tu écouté ce que tu disais ?
— Je ne comprends pas...
— Tu parles, Ayla ! Tu sais parler !
Même si sa langue d’origine était différente de celle de
Jondalar, avant d’être adoptée par le Clan Ayla savait parler. Cet
apprentissage précoce lui avait permis d’acquérir le maniement, le rythme et la
perception du langage parlé. Elle avait totalement oublié qu’elle savait parler
car elle avait été obligée de s’adapter au mode de communication du Clan et
aussi parce qu’elle avait préféré oublier la tragédie qui l’avait laissée seule
au monde. Mais quand Jondalar parlait, elle entendait et retenait
inconsciemment plus que du vocabulaire. Elle était sensible aussi à la
grammaire, à la syntaxe et à l’accentuation.
Comme n’importe quel enfant apprenant à parler, Ayla était née
avec la capacité et le désir de s’exprimer verbalement et elle avait simplement
besoin d’entendre parler. Mais elle était plus motivée qu’un jeune enfant et sa
mémoire était meilleure. Elle avait donc appris plus vite. Même si elle n’était
pas encore capable de reproduire exactement certaines sonorités et inflexions,
elle parlait avec autant de facilité que si elle était née parmi les Zelandonii.
— Je parle ! Ça y est, je sais parler ! Je pense
avec des mots.
Ils prirent soudain conscience que Jondalar la serrait dans ses
bras. Aussitôt, celui-ci la lâcha.
— C’est déjà le matin ! s’étonna Ayla en voyant la
lumière du jour qui entrait par le trou à fumée et l’ouverture de la caverne.
Je ne savais pas que j’avais dormi aussi longtemps, ajouta-t-elle en repoussant
les fourrures. Grande Mère ! Il faut que je m’occupe de faire sécher cette
viande.
Jondalar sourit en l’entendant employer ses propres
exclamations. C’était impressionnant de l’entendre soudain parler et plutôt
amusant de l’entendre prononcer toutes ses phrases avec son accent inimitable.
Elle s’était précipitée vers
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