La Vallée des chevaux
visage dans les fourrures. Pourquoi n’est-ce pas moi
qui me suis fait tuer par ce lion ? (Des larmes apparurent au coin de ses
yeux.) Thonolan, s’il avait été à ma place, n’aurait jamais commis une erreur
pareille. Comme j’aimerais savoir où se trouve ce canyon, Petit Frère !
Comme j’aimerais qu’un zelandoni ait été là pour t’aider à trouver ton chemin
vers l’autre monde ! Quand je pense que ton corps a été abandonné à la
merci des charognards...
Entendant un bruit de sabots sur le sentier, il se leva et
sortit sur la corniche pour voir si Ayla était de retour. Ce n’était que le
poulain.
— Que se passe-t-il, petit ? demanda-t-il. Elles ne
t’ont pas attendu ? C’est de ma faute ! Mais elles ne vont pas tarder
à rentrer... ne serait-ce que pour s’occuper de toi. Ayla n’a pas d’autre
endroit où aller. C’est sa caverne, ici. Quand je pense qu’elle a vécu toute
seule dans cette vallée ! Je ne sais pas si j’en serais capable... Quelle
femme remarquable ! se dit-il. Je suis certain que, malgré ce que je lui
ai dit, elle ne va pas verser une larme. Et, non contente de posséder une telle
force d’âme, elle est aussi de toute beauté. Quand je pense à ce que j’ai
perdu ! Je me suis conduit comme un idiot ! Oh, Doni ! Il faut
absolument que j’arrange ça !
Jondalar se trompait. Ayla était en train de pleurer. Jamais
encore elle n’avait autant pleuré. Ses larmes lui permettaient de mieux
supporter sa douleur et n’enlevaient rien à sa force de caractère. Elle poussa
Whinney jusqu’à laisser la vallée loin derrière elle et s’arrêta près d’un des
affluents de la rivière qui coulait au pied de la caverne. A cet endroit, le
cours d’eau faisait une boucle et formait un bras mort. La terre qui se
trouvait à l’intérieur de cette boucle était régulièrement inondée et
recouverte de limons qui favorisaient la croissance d’une végétation luxuriante.
Ayla était souvent venue chasser à cet endroit des oies sauvages et des
lagopèdes, ainsi que toutes sortes d’autres animaux, de la marmotte au cerf
géant, qui ne pouvaient résister à l’attrait de la verdure.
Elle sauta à terre et s’approcha de la rivière pour boire et
laver son visage trempé de larmes. Elle avait l’impression d’avoir fait un
mauvais rêve. La journée tout entière n’avait été qu’une suite de hauts et de
bas, une série d’émotions contradictoires qui la laissaient aussi étourdie que
si elle avait gravi des pics vertigineux pour plonger aussitôt après dans les
abîmes sans fond.
La matinée avait bien commencé. Jondalar avait insisté pour
l’aider à ramasser des grains et elle avait été étonnée de voir avec quelle
rapidité il s’adaptait à cette tâche pourtant nouvelle pour lui. Plus encore
que le coup de main qu’il lui donnait, c’était le fait d’avoir de la compagnie
qui lui avait fait plaisir et elle s’était rendu compte à quel point cela lui
avait manqué.
Ensuite, ils avaient eu un léger différend. Rien de grave. Ayla
voulait continuer à travailler et Jondalar voulait s’en aller car l’outre était
vide. Quand elle était revenue après avoir été chercher de l’eau à la rivière
et qu’il lui avait demandé s’il pouvait monter Whinney, elle s’était dit qu’elle
venait peut-être de trouver un moyen pour qu’il reste avec elle. Il était déjà
attaché au poulain. Si, en plus, il aimait monter à cheval, il attendrait
certainement que celui-ci soit devenu adulte avant de s’en aller. Et quand elle
lui avait dit oui, il avait sauté sur l’occasion.
Ils étaient d’excellente humeur tous les deux et ils s’étaient
mis à rire. Ayla n’avait pas ri comme ça depuis que Bébé était parti. Elle
aimait le rire de Jondalar – sa gaieté communicative lui réchauffait
le cœur.
Et c’est alors qu’il l’avait touchée. Aucun homme du Clan ne se
serait permis un tel geste s’il s’était trouvé à l’extérieur des pierres qui
délimitaient son foyer. Mais peut-être caressait-il ainsi sa compagne la nuit
quand il se retrouvait couché avec elle à l’abri des fourrures... Les Autres se
permettaient-ils de tels gestes lorsqu’ils se trouvaient hors de leur
foyer ? J’aime quand il me touche, se dit Ayla. Pourquoi s’est-il
enfui ?
Ayla avait cru mourir de honte lorsqu’elle avait compris qu’il
était allé se soulager à l’abri des arbres qui bordaient la rivière.
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