La Vallée des chevaux
Rien que d’y penser, il avait
l’impression que son sexe se recroquevillait, comme s’il était déjà contaminé,
et qu’après s’être ratatiné, il allait tomber en poussière. Doni soit louée,
cette souillure lui avait été épargnée !
Pire encore, Ayla avait mis au monde un monstre, le produit de
l’union d’esprits maléfiques dont on préférait ne pas parler entre personnes
convenables. Certains soutenaient avec force que ces monstres n’existaient pas.
Néanmoins, on continuait à en parler.
Ayla n’avait nullement nié le fait et elle avait défendu son
fils... avec autant de véhémence que n’importe quelle mère à qui on dirait du
mal de son enfant. Elle avait l’air offensée et elle était furieuse qu’il ait
parlé des Têtes Plates dans des termes aussi péjoratifs. Avait-elle vraiment
été élevée par une bande de Têtes Plates ?
Jondalar en avait rencontré quelques-uns durant son Voyage. Il
s’était même alors demandé si ceux-ci étaient vraiment des animaux. Repensant à
la rencontre qui avait eu lieu sur le bord du fleuve, il se dit que le jeune
Tête Plate qui avait coupé en deux l’esturgeon avait utilisé une laine
exactement semblable à celles d’Ayla. Et la femelle portait une peau informe
qui ressemblait étrangement à celle de la jeune femme. D’ailleurs, Ayla se
comportait comme cette femelle, surtout au début : elle avait tendance,
elle aussi, à baisser les yeux et à adopter une attitude effacée, comme si elle
ne voulait pas qu’on la remarque. Les fourrures qui recouvraient sa couche
avaient le même grain et la même souplesse que la peau de loup que la femelle
lui avait posée sur les épaules. Quant aux épieux d’Ayla, ces armes lourdes et
primitives, ils étaient la réplique exacte de ceux que portaient les Têtes
Plates que Thonolan et lui avaient rencontrés au début de leur Voyage.
Tout ça crevait les yeux depuis le début, mais il n’y avait pas
prêté attention. Pourquoi s’était-il imaginé qu’Ayla faisait partie de Ceux Qui
Servent la Mère et qu’elle vivait seule pour perfectionner ses talents ?
Ce qui l’avait induit en erreur, c’était ses extraordinaires qualités de Femme
Qui Guérit. Avait-elle vraiment été formée par une Tête Plate ?
Comme la colère lui va bien ! se dit Jondalar en
l’observant de loin. Elle est vraiment de toute beauté ! Il avait connu
pas mal de femmes qui élevaient la voix à la moindre provocation. Marona, qui
avait failli devenir sa compagne, avait un caractère de chien. Lorsqu’elle se
mettait en colère, on aurait dit une vraie mégère. Mais Jondalar était attiré
par la force qui émanait de ces femmes exigeantes. Il aimait les femmes qui
avaient du tempérament, qui ne se laissaient pas submerger par ses propres
colères quand d’aventure il explosait. Jondalar s’était toujours douté que le
calme apparent d’Ayla cachait une force intérieure peu commune. Regarde-moi ça,
se dit-il. Comme elle est belle lorsqu’elle file sur le cheval !
Brusquement, comme s’il venait de recevoir une averse d’eau
glacée, il se rendit compte de ce qu’il avait fait. Il devint blanc comme un
linge. Ayla lui avait sauvé la vie et l’avait soigné et lui, en guise de
remerciement, il s’était éloigné d’elle comme si elle le dégoûtait ! Il
avait traité le fils qu’elle aimait de monstre ! Il était effaré par son
insensibilité.
Il revint dans la caverne et se jeta sur sa couche. La couche
d’Ayla, cette femme qu’il venait de traiter avec un mépris hautain.
— Oh, Doni ! cria-t-il. Comment as-tu pu me laisser
faire ça ? Pourquoi ne m’en as-tu pas empêché ?
Il enfouit son visage sous les fourrures. Il se sentait aussi
malheureux que lorsqu’il était enfant. A nouveau, il avait agi sans réfléchir.
Lui qui pensait que jamais une telle situation ne se reproduirait. Il était
donc incapable d’apprendre ? Pourquoi n’avait-il pas fait preuve de
discrétion ? Sa jambe était pratiquement guérie et il n’allait pas tarder
à partir. Pourquoi ne s’était-il pas contrôlé jusqu’à son départ ?
Et pourquoi donc était-il resté si longtemps ? Il aurait
très bien pu remercier Ayla et se remettre en route pour rentrer chez lui. Rien
ne le retenait dans cette vallée. Si, au lieu de la presser de questions
indiscrètes, il était parti, il aurait conservé dans son souvenir l’image d’une
femme magnifique et mystérieuse qui vivait
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