La Vallée des chevaux
entendit le bruit des sabots de la jument.
— Pourquoi rentres-tu si tard ? demanda-t-il sur un
ton tranchant qui surprit Ayla.
— Tu sais bien que je suis partie en reconnaissance pour
essayer de trouver un troupeau.
— Mais la nuit est tombée depuis longtemps !
— Je sais. Il faisait presque nuit avant que je prenne la
route du retour. Je pense avoir trouvé ce que nous cherchons : un troupeau
de bisons au sud-ouest...
— Il faisait presque nuit et tu étais toujours à la
poursuite des bisons ! Tu sais bien qu’on ne peut pas voir les bisons la
nuit !
Ayla ne comprenait pas pourquoi il était si énervé.
— Je sais bien ! s’écria-t-elle. Et maintenant, si
nous rentrions... Avec un hennissement aigu, le poulain apparut dans le cercle
de lumière de la torche. Il s’approcha aussitôt de sa mère et glissa son museau
entre ses pattes avant qu’Ayla ait eu le temps de descendre. Jondalar réalisa
qu’il s’était comporté envers Ayla comme s’il était en droit de la questionner
sur son retour tardif. Il détourna la tête en rougissant et la suivit alors
qu’elle pénétrait dans la caverne, trop gêné par sa propre conduite pour
remarquer à quel point elle était fatiguée.
Dès qu’Ayla fut entrée, elle alla chercher une des fourrures
dans lesquelles elle dormait, la posa sur ses épaules et s’approcha du feu.
— J’aurais dû emporter un vêtement chaud. Mais je ne
comptais pas revenir si tard.
— Tu as froid, dit Jondalar en la voyant frissonner. Je
vais t’apporter un bol de bouillon chaud.
Jusque-là, Ayla n’avait pas tellement prêté attention à lui,
mais quand il s’approcha d’elle et lui tendit le bol, elle le regarda d’un air
stupéfait.
— Qu’est-il arrivé à ton visage ?
— Que veux-tu dire ? demanda Jondalar avec une pointe
d’inquiétude.
— Tu n’as plus de barbe !
— Je l’ai rasée, répondit-il avec un sourire.
— Rasée ?
— Coupée tout près de la peau. Je fais toujours ça l’été.
Il fait chaud, je transpire et ma barbe me démange.
Ayla ne put s’empêcher d’avancer la main pour tâter ses joues,
puis, lui caressant la peau dans l’autre sens, elle sentit que ses joues
étaient râpeuses comme la langue de Bébé. Le jour où elle l’avait trouvé, il ne
portait pas de barbe, mais elle avait oublié ce détail. Sans barbe, il
paraissait beaucoup plus jeune et semblait presque émouvant, comme un enfant.
Elle laissa courir ses doigts le long des fortes mâchoires et sur la légère
fente de son menton.
Jondalar était d’une immobilité de pierre. Il sentait les
effleurements d’Ayla dans tous ses nerfs. Même si ce geste avait été guidé par
la curiosité et n’avait aucune intention érotique, il y réagit aussitôt. Son
érection fut si rapide et si puissante qu’il en fut le premier surpris.
Il avait beau avoir l’air d’un tout jeune homme maintenant qu’il
avait coupé sa barbe, le regard qu’il lança à Ayla était celui d’un homme – un
homme terriblement désirable. Il voulut saisir sa main, mais Ayla réussit à la
retirer et elle prit le bol qu’il lui tendait, puis but le bouillon qui lui
parut insipide. Ce n’était pas la première fois qu’il la regardait ainsi.
L’autre fois aussi, ils étaient assis près du feu. Mais aujourd’hui, c’était
elle qui l’avait touché. Et plutôt que de lire à nouveau sur son visage ce même
sentiment de dégoût, si dégradant pour elle, elle préféra baisser la tête.
Jondalar était désespéré d’avoir réagi presque violemment à son
geste plein de douceur. Ayla évitait de le regarder, mais lui ne la quittait
pas des yeux. Elle semblait si timide et si fragile quand elle baissait ainsi
la tête... Elle lui faisait penser à une belle lame de silex, à la forme
parfaite, aux bords délicats et translucides, et pourtant si robuste et si
tranchante qu’elle n’avait aucun mal à fendre même le cuir le plus résistant.
Oh, Mère, elle est si belle ! se dit-il. Oh, Doni, Grande
Terre Mère, je désire cette femme ! Je la désire si fort...
Ne supportant plus de la regarder, il bondit sur ses pieds. Puis
il se souvint brusquement du repas qu’il avait préparé et alla chercher l’os de
mammouth qui lui servait de plat.
Ayla l’avait entendu se lever. Il s’était éloigné d’elle si
brusquement qu’elle était persuadée qu’à nouveau elle lui répugnait. Elle se
mit à trembler et serra les dents
Weitere Kostenlose Bücher