La Vallée des chevaux
troupeau pour se retrouver
face au vent. Les yeux à moitié fermés, ils essayaient de repérer l’animal
qu’ils allaient tuer tandis que le vent imprégné de la forte odeur des bisons
leur envoyait de minuscules grains de sable dans le visage. Les petits
meuglaient derrière leur mère et les jeunes bisons mettaient à rude épreuve la
patience de leurs aînés en s’amusant à leur donner des coups de corne.
Un vieux mâle qui venait de se rouler dans un trou terreux était
en train de se relever. Sa tête massive pendait en avant comme si elle avait du
mal à supporter le poids de ses énormes cornes noires. Avec son mètre
quatre-vingt-dix, Jondalar atteignait tout juste le garrot de l’animal. Le
bison avait un train avant puissant et recouvert de fourrure alors que son
arrière-train était bas et plus gracile. L’énorme bête n’étant plus de première
jeunesse, sa viande dure et filandreuse n’intéressait pas Ayla et Jondalar.
Mais quand il s’immobilisa pour les examiner d’un air soupçonneux, ils
comprirent à quel point il devait encore être redoutable. Ils s’immobilisèrent
à leur tour et attendirent qu’il soit parti avant de recommencer à avancer.
Plus ils approchaient du troupeau, plus le grondement sourd
s’amplifiait, rythmé par toute la gamme des meuglements. Jondalar montra à Ayla
une jeune femelle. La génisse ne portait pas de petits mais elle était en âge
d’être couverte. Elle profitait de l’herbe d’été pour renouveler ses réserves de
graisse. Ayla hocha la tête en signe d’acquiescement. Chacun d’eux plaça sa
sagaie dans son propulseur et Jondalar indiqua d’un geste à Ayla qu’il comptait
faire le tour de la génisse pour l’attaquer de l’autre côté.
La génisse avait-elle aperçu le mouvement de Jondalar ? Ou
avait-elle été alertée par quelque instinct ? Toujours est-il qu’elle se
rapprocha anxieusement du gros du troupeau. D’autres bêtes se mirent à
l’entourer, faisant écran entre Jondalar et sa proie. Ayla se dit qu’elle n’allait
pas tarder à leur échapper. Elle ne pouvait pas faire signe à Jondalar car
celui-ci lui tournait le dos, ni crier car cela aurait alerté l’animal. Si la
génisse continuait à s’éloigner, il ne pourrait plus l’atteindre.
Elle se mit en position. Jondalar se retourna vers elle au
moment où elle allait lancer son arme. Comprenant aussitôt la situation, il
saisit son propulseur. L’agitation de la génisse n’avait pas échappé aux autres
bisons, pas plus que la présence des deux chasseurs. Ayla et Jondalar avaient
pensé que le nuage de poussière soulevé par le troupeau suffirait à masquer
leur approche, mais les animaux en avaient l’habitude. La génisse avait presque
atteint la sécurité que lui offrait le gros du troupeau et d’autres bisons
étaient en train de l’imiter.
Jondalar se précipita vers l’animal en levant son arme. Sa
sagaie s’enfonça dans l’abdomen de la génisse. Celle d’Ayla vint se ficher dans
son cou. Entraîné par son propre mouvement, le bison continua à avancer à la
même allure. Puis il ralentit, se mit à tanguer, chancela soudain et s’affala
sans vie sur le sol en brisant sous son poids la sagaie de Jondalar. Le
troupeau avait senti l’odeur du sang. Quelques bêtes s’approchèrent de la
génisse en meuglant. D’autres poussaient des mugissements sinistres, se bousculaient
et tournaient sur elles-mêmes, ce qui accroissait d’autant l’excitation du
troupeau.
Venant de deux directions différentes, Ayla et Jondalar se
dirigeaient vers l’animal mort. Soudain, Jondalar commença à gesticuler et à
crier. Ayla secoua la tête pour lui montrer qu’elle n’y comprenait rien.
Un jeune mâle, qui s’amusait à donner des coups de corne, venait
de se faire remettre au pas par un vieux patriarche et, en faisant un bond de
côté, il avait percuté un petit. Indécis et nerveux, il avait essayé de reculer
mais le vieux bison lui avait coupé la route. C’est alors qu’il avait aperçu un
bipède en mouvement. Il fonçait maintenant dans cette direction.
— Ayla ! Attention ! hurla Jondalar en se
précipitant vers elle, la sagaie pointée en direction du jeune bison.
Tournant brusquement la tête, Ayla aperçut l’animal. Son premier
réflexe fut de saisir sa fronde, car cette arme avait toujours été son meilleur
moyen de défense, mais elle se ravisa et plaça une sagaie dans le propulseur.
Jondalar avait déjà
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