La Vallée des chevaux
lancé la sienne. Les deux armes frappèrent le jeune bison
presque en même temps. La sagaie de Jondalar transperça son flanc, le
détournant momentanément de sa route. Celle d’Ayla se ficha dans son œil et
l’animal mourut avant d’atteindre le sol.
L’agitation, les cris et l’odeur du sang précipitèrent la fuite
des animaux grégaires dans une seule et même direction, le plus loin possible
du théâtre des événements. Les derniers traînards dépassèrent les deux animaux
qui gisaient sur le sol et rejoignirent le gros du troupeau dans sa panique qui
faisait trembler la terre. La poussière était déjà retombée que le grondement
sourd s’entendait encore.
Ayla et Jondalar restèrent un long moment à contempler, muets
d’étonnement, les deux bisons couchés au milieu des vastes plaines.
— C’est fini, dit Ayla, complètement stupéfaite.
— Pourquoi ne t’es-tu pas enfuie ? cria Jondalar, qui
avait eu très peur pour elle. Il aurait pu te tuer.
— Je n’allais pas tourner le dos à un bison en train de
charger : il m’aurait certainement encornée. Peut-être que ta sagaie
l’aurait arrêté avant, ajouta-t-elle après avoir jeté un coup d’œil au jeune
bison. Mais je ne pouvais pas le savoir. C’est la première fois que je chasse
avec quelqu’un. J’ai toujours été seule pour veiller sur moi.
Jondalar réalisa brusquement ce qu’avait dû être son existence.
Il la vit sous un nouveau jour. Cette femme douce, gentille, aimante, a
traversé des épreuves incroyables. Jamais elle ne s’enfuira devant quoi que ce
soit. Même pas devant toi, Jondalar. Quand tu te laisses aller et que tu perds
tout contrôle sur toi-même, les gens détalent. Avec elle, tu t’es montré sous
ton plus mauvais jour et elle t’a tenu tête.
— Tu es merveilleuse, Ayla ! Belle et fougueuse !
Et une chasseresse unique ! Regarde ce que nous avons fait !
ajouta-t-il avec un grand sourire. Deux bisons ! Comment allons-nous faire
pour ramener toute cette viande ?
Réalisant soudain ce qui venait d’arriver, Ayla eut un sourire
satisfait. Une lueur de joyeux triomphe dansa au fond de ses yeux. Dommage
qu’elle ne sourie pas plus souvent, se dit Jondalar en remarquant que son
visage semblait illuminé de l’intérieur. Sans raison, il éclata brusquement de
rire. Sa gaieté était communicative et Ayla l’imita aussitôt. Leurs deux rires
fusèrent, tels deux cris de victoire.
— Tu es vraiment un grand chasseur, Jondalar !
s’écria-t-elle à son tour.
— C’est grâce aux propulseurs. Nous n’avons eu qu’à nous
approcher du troupeau et avant qu’ils aient eu le temps de comprendre ce qui
leur arrivait... nous en avons tué deux ! Est-ce que tu te rends compte de
ce que ça veut dire ?
Ayla s’en rendait parfaitement compte. Grâce à ce propulseur,
elle pourrait chasser tout ce qu’elle voudrait et à n’importe quelle saison de
l’année. Elle n’aurait pas besoin de creuser de fosse. Elle pourrait chasser
lorsqu’elle voyagerait. Le propulseur possédait tous les avantages de sa fronde
et, en plus, il était parfaitement adapté au gros gibier.
— Je m’en rends compte. Tu m’as dit que tu allais
m’enseigner un moyen plus facile de chasser et tu as dépassé tout ce que
j’avais imaginé. Je ne sais pas comment te dire... Je suis tellement...
Ayla ne connaissait qu’une manière d’exprimer sa
gratitude : celle qu’on utilisait au sein du Clan. Elle s’assit par terre
en face de Jondalar et baissa la tête. Peut-être ne lui taperait-il pas sur
l’épaule pour lui donner la permission de parler et de dire ce qu’elle
ressentait, mais au moins, elle aurait essayé.
— Que fais-tu ? demanda-t-il. Ne reste pas assise
comme ça.
— Quand une femme du Clan désire dire quelque chose
d’important à un homme, c’est ainsi qu’elle s’y prend, expliqua-t-elle en
relevant la tête. Je tiens à te dire à quel point je te suis reconnaissante de
m’avoir fait cadeau de cette arme. Et aussi pour m’avoir appris à parler. Pour
tout.
— Ayla, lève-toi, je t’en prie, dit-il en la remettant sur
ses pieds. C’est toi qui m’as fait cadeau de cette arme et non le contraire. Si
je ne t’avais pas vue utiliser ta fronde, jamais je n’aurais pensé à fabriquer
un propulseur. C’est moi qui devrais te remercier et pas seulement pour cette
arme.
Jondalar n’avait pas lâché ses bras et leurs deux corps se
touchaient presque. Ayla
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