La véritable histoire d'Ernesto Guevara
cri idéologique à La Havane après les échecs latino-américains, avait-elle seulement été expliquée et discutée ? Guevara lui-même s’y était-il attardé avec les cadres africains ?
Indiscipline, absence de direction
Très vite, en effet, il se rend compte de l’indiscipline parmi les Congolais qui lui ont été « attribués » et de la médiocrité de leur direction militaire. De leurs faibles motivations, aussi. Les recrues formées dans les pays de l’Est sont par exemple si peu motivées qu’elles commencent par demander 15 jours de vacances à leur retour d’Europe pour aller voir leurs familles ! Ce n’est pas le Che qui laissait femmes et enfants derrière lui pour de nombreuses années que ce genre de demande pouvait impressionner ! Il refuse donc, mais le manque d’informations sur la situation politico-militaire, pour ne pas dire le chaos et l’inaction, l’accablent. Cette armée soi-disant « populaire » et de « libération » était pour lui une « armée parasite ».
À quoi s’ajoutaient des divisions à tous les niveaux : depuis les officiers sur le terrain jusqu’au commandement suprême, chacun semblait avoir une idée sur la lutte à mener et la raison pour laquelle elle était menée. Guevara proposa qu’un entraînement militaire approprié soit organisé. Mais les locaux avaient plus besoin de médecine et de nourriture que de combats et ils suivaient les Cubains comme un dispensaire ou une soupe populaire. Sur le plan médical d’ailleurs, le problème était plutôt la gestion des médicaments qui arrivaient de l’URSS. Guevara n’en était pas le maître. Personne ne lui avait donné l’autorisation de s’en servir…
D’une manière générale, l’aide massive qui arrivait en armes, en logistique, en médicaments, était très mal et très peu utilisée.
Guevara s’en prit d’abord aux révolutionnaires africains et à la population : « Nous ne pouvons pas libérer tout seuls un pays qui ne veut pas se battre [ mais la Bolivie le voudra-t-elle ? ]. Il faut donc créer cet esprit de combat et partir à la recherche de soldats avec la lanterne de Diogène et la patience de Job, ce qui tient de la mission impossible vu la merde ambiante »… Les discours de Guevara sur la combativité, le défaitisme et la nécessité de la discipline ne changent rien cependant. L’arrière – c’est-à-dire le haut commandement lui-même –, n’est guère encourageant : Kabila, commandant en chef sur le papier, se prélasse au Caire ou à Dar es-Salaam, plus préoccupé de combattre l’influence d’autres chefs rebelles comme Gaston Soumaliot que les mercenaires de Mike Hoare. Le renversement de Ben Bella n’arrange pas les choses… Et si l’Afrique avait laissé passer son heure ?
Incompréhensions
Quelques attaques furent quand même menées, qui mirent d’ailleurs un peu plus en évidence les piètres performances militaires des « révolutionnaires » congolais. Guevara tenta même de procéder à son propre recrutement et d’avoir sa propre colonne, formée de paysans locaux. Mais la mentalité de ces Africains qui se croyaient protégés par magie contre les balles le stupéfiait. Guevara, issu d’un milieu aristocratique argentin, n’a jamais beaucoup aimé les Noirs. Ce n’est pas en cette année-là qu’il se réconcilierait avec eux qui refusaient d’être commandés par un Noir, même Cubain 140 . Au Mexique, déjà, ses proches comme l’instructeur militaire du groupe, Miguel Sanchez, s’en souvenaient, il avait toujours eu des problèmes avec eux et il les méprisait autant qu’il méprisait les « Indiens analphabètes ». Cette attitude choquait d’ailleurs Juan Almeida Bosque, un des rares Noirs cubains à accéder au Bureau politique et au rang de « commandante », qui n’aimait guère être appelé « negrito » par le grand chef blanc. 141
Naturellement, Guevara condamnait officiellement le racisme, mais sans prendre la mesure du problème, au nom d’une vision universaliste abstraite. En 1963, il déclara ainsi ne pas voir « plus d’intérêt pour les Noirs d’étudier l’histoire africaine que pour ses enfants à étudier celle de l’Argentine ». Son indifférence à l’imaginaire propre des uns et des autres, nécessairement lié aux racines, réelles ou supposées, était totale. Comment pourtant le dépasser en faisant comme s’il n’existait pas ? Toujours partisan des
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