La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
doubler ou à tripler le
nombre de tous ceux qui, à Hangzhou, vivent
d’expédients. Cette grande masse humaine que
constitue l’agglomération de Hangzhou est
secouée de violents soubresauts, et les brusques
accroissements de la foule des misérables et des
affamés inquiètent les pouvoirs publics. Ces
crises fréquentes les obligent à prendre des
mesures de sauvegarde. La cour et la préfecture
décident de procéder à des distributions de riz et
de sapèques par temps de neige et par grandfroid ou à la suite des grands incendies, des
inondations de l’été ou des sécheresses de l’automne. Ainsi, après les pluies excessives qui
eurent lieu dans la région de Hangzhou en 1223,
il y eut une famine en ville à la troisième lune de
l’année suivante (vers le mois d’avril), et l’administration dut distribuer des secours 63 .
Les grandes cérémonies officielles, les grandes
fêtes annuelles sont également l’occasion de distributions aux pauvres : « Au moment des prières
de la cour et des ministères pour demander le
beau temps ou la pluie, de la neige et d’heureux
présages, à l’occasion d’une naissance princière
ou de l’anniversaire de l’empereur, lors d’une
éclipse de soleil, au moment des pluies excessives et des froids intenses, quand les habitants
sont dans la gêne ou encore lorsque sont célébrés les grands rites du Palais sacré et les cérémonies de félicitations à l’empereur, dans tous
ces cas, une notification impériale est publiée
annonçant un don de monnaie de papier équivalant à 200 000 ligatures pour l’armée et autant
pour les gens du peuple 64 . »
Les malheureux peuvent compter également
sur la charité privée. Pour faire éclater leur prestige, les fonctionnaires nouvellement nommés
ou promus font des distributions de sapèques
aux pauvres gens 65 . Et l’on a vu que les riches
armateurs qui habitent la colline des Phénix dans
le sud de la ville consacrent une partie de leurimmense fortune aux œuvres charitables. Mais
ce n’est pas tout. Le bouddhisme, depuis le V e siècle, a introduit et développé en Chine des
institutions de bienfaisance (hôpitaux, hospices,
dispensaires, centres de distribution de secours
pour les pauvres) alimentées par les revenus de
terres qui leur étaient spécialement affectées.
A la suite d’une confiscation presque générale
des biens des communautés bouddhiques, en
845, les hospices et les hôpitaux bouddhiques
furent pris en charge par les pouvoirs publics.
A Hangzhou, la cour avait institué, dès son installation dans cette ville, un grand dispensaire
dont les drogues étaient réparties dans soixante-dix dispensaires secondaires, à travers toute
l’agglomération urbaine, et l’on a vu que les
médicaments, qui devaient être vendus au tiers
de leur prix aux gens du peuple, furent en fait
détournés de leur destination par les employés et
les fonctionnaires préposés à ces dispensaires.
Mais d’autres institutions charitables étaient
gérées plus honnêtement : hôpitaux pour les
vieillards et les personnes démunies de toutes
ressources, orphelinats pour les enfants abandonnés, services funéraires gratuits et cimetières
publics pour les pauvres, hospices pour les
infirmes. Cette dernière institution existait
encore au début de l’occupation mongole, si l’on
en croit Marco Polo. « Si dans la journée, dit-il,
il arrive (aux gardes de patrouille en ville) derencontrer quelque pauvre diable que ses infirmités empêchent de travailler, ils le font entrer
dans l’un de ces hospices très nombreux fondés
par les anciens rois et qui sont dotés de gros
revenus ; mais, une fois guéri, il sera tenu de
trouver quelque occupation 66 . »
LES PAYSANS
Le peuple des campagnes nous est mal connu.
Personne ne s’est soucié de nous renseigner en
détail sur sa composition sociale et sur la vie des
villages. Les données que l’on possède sont
fragmentaires, éparses, et seule l’hypothèse
d’une lente évolution des milieux ruraux autorise à dresser un tableau fait d’éléments aussi
divers par leurs dates que par leur localisation.
Soulignons tout d’abord un fait économique de
caractère général : le développement des villes,
dans les provinces du Sud-Est, n’a pu se faire
qu’au détriment des campagnes. La ville
consomme plus qu’elle ne produit, et beaucoup
de citadins parmi les plus riches ne doivent leur
fortune qu’aux revenus des vastes
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