La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
Dongpo
(1036-1101) enseignait à ses fils à écrire des
compositions avec beaucoup de mots et peu
d’idées, ou bien avec beaucoup d’idées et peu de
mots et il en faisait ensuite la critique. Mais Su
Dongpo n’oubliait pas les vertus de la réflexion.
L’un de ses fils lui demanda un jour s’il y avait
une méthode pour bien écrire. « Prenons,
répondit-il, une comparaison : sur les marchés
sont exposées une foule de marchandises. Je
veux qu’elles soient à ma disposition. Or, il y a
une chose que je puis employer pour cela et qui
s’appelle la monnaie. Si j’ai de la monnaie,
toutes ces marchandises seront à moi. Eh bien,
en matière de composition littéraire, si j’ai
d’abord des idées, Classiques et Histoires seront
tous à ma disposition. L’essentiel dans les compositions littéraires, ce sont les idées 23 . »
Beaucoup de bons esprits, à l’époque des
Song, ont déploré le caractère artificiel d’un
enseignement qui ne pouvait former que desesthètes ou des dilettantes dépourvus de connaissances pratiques, en un mot des individus fort
mal préparés à leur métier d’administrateur. A ce
point de vue, l’éducation reçue par le prince
héritier, au milieu du XIII e siècle, peut être considérée comme typique. Le prince, nous dit-on,
venait faire ses salutations à l’empereur son père
au premier chant du coq. Il retournait dans ses
appartements au deuxième, allait en conférence
pour s’occuper des affaires de sa maison, puis il
se rendait à la salle de lecture pour y étudier les
Classiques et les Histoires officielles. En fin
d’après-midi, il revenait devant l’empereur.
Interrogé par lui sur le Classique étudié le matin
même, il était autorisé à s’asseoir et à boire le
thé si ses réponses avaient été satisfaisantes.
Sinon l’empereur s’irritait et lui faisait expliquer
à nouveau le même passage le lendemain.
N’était-ce pas là, au dire des historiens postérieurs, montrer trop de soin dans les petites
choses, quand l’essentiel était négligé : la situation économique de l’empire et la pression ennemie aux frontières étaient déjà très inquiétantes à
cette époque 24 .
Cependant, dès 1071, le célèbre réformateur
Wang Anshi, auquel on doit la création des
écoles de préfecture et de sous-préfecture, était
parti en guerre contre les défauts et l’absurdité
du système de recrutement des fonctionnaires
civils. Si, déclare-t-il, ce système fonctionne,c’est parce que les examens constituent la seule
voie d’accès normale à la fonction publique.
Mais quoi de plus absurde que de contraindre de
jeunes hommes pleins de vigueur à s’enfermer
dans leurs chambres pour y consacrer tout leur
temps et tous leurs efforts à composer des poèmes
et des couplets rimés ! L’enseignement devrait
faire une plus large place à la philosophie politique et à la préparation aux tâches pratiques de
l’administration.
Les questions pratiques furent sans doute
moins négligées après la fin du XI e siècle. Ainsi,
le précepteur du prince impérial, en 1193, lui
remit une carte du ciel, une carte de la Chine, un
tableau synoptique de l’histoire de Chine et un
plan de Suzhou, qui était alors la plus belle ville
chinoise après Hangzhou. Il inculquait à son
élève une indignation patriotique contre les
Barbares qui occupaient la Chine du Nord, mais
il lui rappelait en même temps, selon la
meilleure tradition confucéenne, que la vertu,
c’est-à-dire la retenue et la conscience de ses
fautes, est essentielle 25 .
Il est vrai aussi que l’enseignement n’est pas
toujours purement littéraire ni livresque. Le doctorat de lettres, qui comporte des compositions
en vers et en prose, est sans doute le plus couru.
C’est celui qui donne le plus de prestige et qui
livre accès aux carrières les plus brillantes. Mais
il existe également des doctorats de caractèreplus spécialisé ou plus technique : doctorats de
philologie, d’histoire et de rituel, de droit, sans
compter les concours prévus pour les militaires
et pour les médecins officiels. Et il arrive que,
dans les écoles privées, l’enseignement, loin de
dispenser une culture de bon aloi, à base de
Classiques, témoigne d’étranges intentions : les
gens du Jiangxi (province située à l’ouest du
Zhejiang), nous dit un auteur du XI e siècle, ont
un goût très vif pour les procès. C’en est au
point qu’ils ont un livre écrit par un célèbre
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