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La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

Titel: La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: JACQUES GERNET
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provinces maritimes du Sud-Est), malgré l’opposition des pouvoirs publics. Ainsi, un
décret impérial de 963 déclare qu’« en dehors
de la capitale (Kaifeng) et en divers lieux, on
s’est mis depuis peu à incinérer les morts. Il
convient d’interdire cette pratique sauf dans le
cas où le corps doit être transporté au loin (il est
d’usage de se faire enterrer dans son pays natal)
et celui où il s’agit de religieux bouddhistes et
d’étrangers ».
    Un autre décret, en 972, juge nécessaire de
réitérer cette interdiction. Au début du XII e siècle,
la coutume de la crémation, qui a fait des progrès considérables, est pourtant encore l’objet
d’une nette réprobation de la part des pouvoirs
publics et de certains milieux chinois : tous
ceux en fait où l’on reste vivement attaché auxtraditions confucéennes. Un haut fonctionnaire,
dans un mémoire à l’empereur, critique cette
coutume en tant que mauvais traitement à
l’égard des morts et il demande que les familles
trop pauvres pour faire enterrer les leurs soient
autorisées à les inhumer dans des terres achetées
aux frais de l’Etat 55 . Telle fut l’origine de ces
cimetières publics tels qu’il en existe à Hangzhou.
Voici un autre indice de cette réprobation : on
pouvait voir encore vers 1275, en dehors d’une
des portes de Hangzhou, un tertre funéraire
nommé le « Tombeau de la femme en bois ».
Cette femme avait été jadis incinérée par son
mari, et son fils, encore enfant, très choqué de ce
que sa mère n’avait point de « terre à pins et à
catalpas » (façon littéraire de désigner un tombeau), en pleurait souvent. Devenu adulte, il fit
faire une statue en bois à l’image de sa mère,
l’habilla, la fit mettre en bière et la fit enfin
inhumer à cet endroit. Après quoi, il fit construire
une cabane et acheta un lopin de terre destiné à
l’entretien d’un moine qu’il chargea du culte de
la défunte (encens brûlé le matin et lampes allumées à la tombée de la nuit 56 ).
    Quoi qu’il en soit de ces témoignages isolés
de réprobation, la crémation est presque générale à Hangzhou au XIII e siècle. Les fours crématoires de la ville se trouvent à l’intérieur d’un
établissement bouddhique nommé le monastère
de l’Eveil et situé à l’angle nord-est du lac. Laville de Suzhou, à la même époque, avait un
bâtiment analogue qui comprenait dix fours,
également installés à l’intérieur d’un monastère
bouddhique. Ce bâtiment ayant été détruit en
1261 par un typhon, le préfet de Suzhou avait
demandé, sans doute en vain, que la reconstruction en fût interdite. Dans ces deux villes, les
cendres étaient dispersées dans les mares par les
moines préposés aux fours. Au Fujian, au
contraire, elles étaient recueillies dans des vases
de terre qui portaient le nom d’urnes d’or.
    Comment expliquer la diffusion d’une pratique si contraire aux habitudes et aux conceptions chinoises ? Les motifs économiques – cherté
des terrains et, spécialement au Zhejiang, les
facilités de l’approvisionnement en combustible –, s’ils ont pu la favoriser, ne rendent pas
compte de son origine. La mode a dû prendre
naissance vraisemblablement dans des milieux
des hautes classes où la foi bouddhique était
intense et elle s’est répandue ensuite, sans grand
obstacle, dans un monde que les modes de pensée et les conceptions bouddhiques avaient
depuis longtemps imprégné, bien que les familles
vraiment dévotes y fussent l’exception. Il est
notable en effet que ce soit les monastères
bouddhiques qui s’occupent de l’accomplissement de ce genre de funérailles. Mais, de plus,
comme l’indique l’expression populaire qui sert
à les désigner, les crémations paraissent bienavoir pour objet une régénération ou une sorte
de transmutation du corps par le feu. Or, non
seulement les moines bouddhistes étaient normalement incinérés, mais il arrivait même, rarement il est vrai, que certains se fissent brûler
vifs, selon une ancienne pratique, fort bien attestée dès le V e siècle et qui a subsisté jusqu’à
l’époque moderne au Fujian. Les moines ascètes
qui mouraient dans les flammes, assis dans la
posture des statues de Bouddha et récitant des
textes sacrés, étaient assurés d’une renaissance
d’un rang supérieur sinon de l’obtention définitive du nirvâna 57 .
    Marco Polo paraît avoir assisté à des incinérations de laïcs à

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