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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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moi,
emprisonnant ses deux mains dans l’une des miennes pour l’empêcher de se
douloir, je les caressais doucement de ma main senestre, afin que de l’assouager,
comme on fait d’un enfant.
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle, savez-vous que quand je vous ai vu à travers le judas
avec cette barbe, le cheveu à plat testonné, et cette bourgeoise attifure, j’ai
cru en ma folle imagination que c’était lui qui, par je ne sais quel miracle,
me revenait, lui pourtant que j’ai accompagné à sa tombe ce matin même, et que
j’ai vu, de ces yeux que voilà, disparaître dans les entrailles de la terre.
    Ayant dit,
elle pâma et se serait versée au sol, si, me levant, je ne l’avais en mes bras
saisie et portée sur sa coite, où j’entrepris de la ranimer en lui ôtant sa
fraise et dégrafant son corps de cote, sous lequel je m’avisai qu’elle portait
une basquine qui la serrait excessivement, mais n’y touchant point, pour ce que
j’avais scrupule, quoique médecin, à pousser plus avant son dévêtement, je lui
baillai sur les joues quelques petits soufflets qui n’y firent rien, tant est
que revenant à ma première idée, je la mis sur le ventre et délaçai sa basquine
qui, de toute évidence, l’étouffait. Il me parut, à la retourner sur le dos,
qu’elle respirait mieux, et posant mon oreille au-dessous de son tétin gauche,
j’ouïs son cœur, lequel était mieux allant que je ne l’avais craint. Je
m’apensai donc qu’elle était passée par insensibles degrés de l’évanouissou à
l’ensommeillement, où la portait l’extrême lassitude née de son passionné
chagrin. J’achevai alors de la dérober de cap à pié et je la mis sous son drap,
la soirée étant fraîche pour une fin de mars, et la chambre sans feu.
Cependant, en prenant son oreiller pour le lui glisser sous la tête, ma main
encontra une dague que je retirai incontinent de sa cache, et l’examinant à la
lueur de la chandelle qui éclairait le chevet, je vis qu’elle était fort
petite, mais aussi très pointue et très effilée, et tout à plein suffisante aux
funestes desseins qui l’avaient placée là.
    Je l’y
laissai, me proposant toutefois de l’ôter lors de mon département, assuré que
j’étais que la belle drapière ne se voudrait pas occire, tant que je serais là
à tâcher de la consoler. Quelques couleurs étant revenues alors à ses joues,
j’en augurai qu’elle dormait et je la regardai dormir, la chandelle éclairant
doucement son beau visage chaffourré par les larmes. Et moi-même, à
l’envisager, me sentant saisi d’une compassion qui, alors même qu’elle me
nouait la gorge, me donnait en même temps un sentiment agréable, pour ce
qu’elle m’inspirait un grand appétit à protéger la pauvrette, à la conforter, à
la cajoler, à la conserver en vie. Je ne laissais pas d’entendre qu’il y avait
quelque théâtre dans son propos passionné de mettre fin à sa vie, mais la
petite dague n’avait point été placée là pour mes yeux, puisqu’elle ignorait
mon advenue, ni pour ses gens, puisqu’elle les avait renvoyés à sa maison des
champs, ni pour la vieille chambrière qui était plus qu’à demi aveugle. On
avait donc à craindre que l’état d’excessif désespoir où elle s’encontrait,
l’indifférence des autres, la solitude, et à la parfin une sorte de défi à soi
ne la pussent pousser à ces extrémités.
    La voyant si
profondément endormie, je m’avisai d’aller voir ce que devenaient mes gens et,
la maison étant silencieuse, je passai de pièce en pièce et les vis tous les
trois occupant les trois coites du logis et plongés dans un sommeil dont le
tocsin n’aurait su les tirer. La vieillotte dormait aussi en sa chambrifime,
laquelle donnait sur la cour où ma coche, dételée, reposait, les bras sur les
pavés. Et traversant ladite cour – la nuit étant fraîchelette, mais
lumineuse, la lune s’encontrant hors nuages et plaisamment rondie –,
j’allai voir mes chevaux et les vis tête-bêche, caressés par la lune, l’œil
clos, l’haleine quiète et dormant debout, selon l’étrange coutume de cette
espèce. Cependant, l’un d’eux s’agitant à mon advenue, le sommeil de nos
montures se trouvant toujours plus léger que celui des cavaliers, je m’en fus,
et retraçant mon parcours de pièce en pièce, revins à la chambre de la belle
drapière, laquelle je vis, dressée sur son séant, le tétin nu, la face comme
folle d’un

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