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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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excessif chagrin, et sa petite dague à la main.
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle, la voix entrecoupée, je m’apensai que vous aussi,
vous m’aviez abandonnée !
    — Madame,
dis-je en m’approchant d’elle à pas vifs, voilà qui n’a pas le sens
commun ! Vous aurais-je laissée ? Est-ce là tout le fond que vous
faites sur ma tendre amitié ?
    — Ha !
mon Pierre ! dit-elle, se laissant par moi désarmer et recoucher avec la
docilité d’un enfantelet, est-il constant que vous nourrissiez encore quelque
amitié pour moi, après que je vous ai si malgracieusement reçu lors de votre
dernière advenue en Châteaudun ?
    — Cuidez-vous,
Madame, dis-je en posant avec négligence sa dague sur le chevet, pour ce que je
ne voulais point paraître attacher trop de crédit à son suicidaire
projet ; cuidez-vous que je vous puisse tenir à mauvaise dent d’avoir été
si énamourée de Monsieur votre époux ? Si j’ai de présent sailli de cette
chambre, c’était pour m’assurer des commodités de mes gens. Mais me voilà de
retour, dis-je, tirant à moi une chaire à bras qui se trouvait devant une
table, et je me dispose à dormir toute cette nuit en votre ruelle pour ne vous
point quitter.
    — Mon
Pierre, dit-elle soulevée sur un coude, et versant à nouveau des larmes, mais
celles-ci moins amères, me voilà tout atendrézie et fondue par votre émerveillable
bénignité. Mais fi donc ! Je ne saurais consentir que vous dormiez sur ce
cancan au risque qu’être demain courbatu. Plaise à vous, mon Pierre, de venir à
mon côté partager ma coite, y dormant main en main, et tant chastement que
frère et sœur.
    Je feignis de
prime de n’avoir pas ouï cette offre, étant bien moins sûr de moi-même qu’elle
paraissait l’être de soi. Mais la belle drapière la répétant et le pensement me
rebéquant prou de passer la nuit tout vêtu sur cette chaire qui était de bois
fort roide, n’étant point même tapissée, au lieu que j’aurais chaleur et
moelleuse douceur entre deux draps, et le sommeil, en outre, me venant, j’y
consentis, et fus bientôt à son flanc et endormi en un battement de cil.
    Je ne sus pas
alors, et ne sais encore que penser, de la nuit que je passai là, pour ce
qu’elle ne fut point du tout ce que la belle drapière avait dit, mais comme
durant ce temps, elle ne pipait point et que son bel œil restait clos –
comme je le vis à la lueur de la chandelle mourante – j’ignorerais jusqu’à
la fin des temps dans quel degré de connivence elle était avec elle-même en
tâchant de me faire passer pour un songe. Il est vrai que la réalité de ce rêve
paraissait peu crédible, puisqu’il fut répété au cours de chacune des huit
nuits qui suivirent. Mais comme pas un mot ne fut échangé ni au cours de ces
enchériments (la seule noise étant celle de nos respirations, celles-ci étant
elles-mêmes fort retenues) ni dans la journée, moi-même prenant grand soin
d’être debout et vêtu quand elle se levait, la « madamant »
cérémonieusement et elle, du « mon Pierre » du premier jour revenant
au « Monsieur », notre silence, pour ainsi parler, eut cette vertu
d’étouffer la profonde mésaise qui eût été la mienne et, à plus forte raison,
la sienne, si nous n’avions pas maintenu si opiniâtrement l’évidente vérité en
le plus profond de son puits.
    Je trouvais
(et à m’en ramentevoir, je trouve encore) un grand charme à ces chattemites
délices, et gardant une amitié infinie et à cette remembrance, et à celle qui
en fut l’objet, je ne voudrais pas que mon lecteur passe un jugement trop roide
sur ma belle drapière et sur les faiblesses où l’amena l’excès de son chagrin.
Pour moi, je n’entends pas déranger l’incertitude où je demeure, ni me faire
l’arbitre de nos fragilités, puisque, à en croire l’Écriture, nous sommes faits
d’argile et fort disposés, par conséquent, à nous laisser soit défaire, soit
pétrir, par la mort ou par la volupté.
    Quand je fus
le lendemain vêtu, j’allais de prime déparesser mes gens, et quérir, pour eux
et moi, quelques viandes de la vieillotte, laquelle, ma repue terminée, je
dépêchai à sa maîtresse pour lui demander de me bien vouloir recevoir. Et
permission m’en ayant été baillée, je gagnai sa chambre et je m’approchai
d’elle, quoique à distance révérencieuse, sans même lui prendre ni lui baiser
la main, la « madamant » et l’œil à demi baissé

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