La Violente Amour
comme plus loin je dirai, fort bien et plaisamment logé. Cependant,
désappointé assez de ce que mon père, Giacomi et Quéribus se trouvassent alors
avec l’armée du roi qui avait vaincu les ligueux à Senlis. Armée que commandait
en nom le duc de Longueville, mais en effet, et sur la prière du duc lui-même,
le brave La Noue, lequel, tout huguenot qu’il fût, était si respecté de tous
pour ses hautes vertus que les catholiques royaux le surnommaient « le
Bayard protestant ».
Pour le logis
où je fus si bien accommodé, je ne m’y trouvai pas de prime, mon Miroul,
fureteur comme rat en paille, ayant d’abord arraisonné pour moi un hôtel de la
noblesse (dont le maître s’était mis à la fuite, étant ligueux) mais Rosny, me
visitant, et le trouvant plus beau et spacieux que le sien, je vis bien qu’il
allait en concevoir quelque dépit, se jugeant, maugré son âge, fort au-dessus
de moi, étant mon mentor en la guerre. Tant est que, connaissant sa hautesse et
naturelle gloriole (laquelle était pour le moins aussi immense que ses talents)
je le priai vivement d’échanger nos logis, le mien convenant mieux, dis-je, à
sa nombreuse suite, et pour moi qui n’avais que le seul Miroul, sa plus simple
maison me suffisant. Il refusa courtoisement, mais de l’air de quelqu’un qui
désire qu’on fasse son siège avant que de céder : ce que je fis, avec tant
d’instances, de bonne grâce et de bonnes raisons qu’à la fin il voulut bien
consentir à me dépouiller. Cependant, il ne m’en aima que davantage d’ores en
avant, et n’étant pas ingrat, et ayant quelque tendance à l’hyperbole, il se
fit à la cour de Navarre le trompette de mes vertus, lesquelles, d’ailleurs, ne
tardèrent pas, en mon logis nouveau, à être récompensées de la façon que je
dirai plus loin.
Rosny fut
assez bon pour me venir en remerciement visiter le lendemain de son
installation, à laquelle il laboura avec le soin et la méthode qu’il mettait à
tout, alors même qu’il savait fort bien qu’il n’était point pour demeurer à
Châteaudun au-delà d’une semaine.
— Ha !
Siorac, mon ami, me dit-il à l’entrant – calquant sa bonhomie sur celle de
Navarre, et me donnant pour la première fois une forte brassée –, vous
n’êtes point si mal céans, à ce que je me suis avisé, n’ayant pour suite que
votre seul Miroul, et l’hôtesse étant si accorte. Voire mais, puisque je suis
sur ce sujet, comment se fait, mon ami, que votre escorte soit si
chétive ? Vous n’êtes point pauvre, ce me semble, ayant belle seigneurie
en Montfort l’Amaury et le roi, d’après ce que j’ai ouï, s’étant montré fort
libéral avec vous de ses clicailles.
— C’est
là, dis-je, vérité d’Évangile et j’avoue que pour un cadet, je me trouve étoffé
assez. Mais employé jusque-là à de secrètes missions, et contrefaisant le
marchand en mes déguisures, je ne pouvais me faire suivre que du seul Miroul,
ycelui figurant mon commis.
— Voilà
qui est bel et bon, dit Rosny, mais maintenant que vous vous battez, à visage
découvert, aux armées, il vous faut tenir votre rang et avoir du monde derrière
vous, faute de quoi vos mérites seront mesurés à l’aune de votre chicheté,
laquelle est vertu chez un marchand, et vice chez un gentilhomme. Je vous le
dis, moi qui suis fort bon ménager de mon bien, et tiens mes comptes
quotidiennement. Étant cadet comme moi, Siorac mon ami, et sans héritage en
avant de vous, vous avez dû comme moi vous attacher à un prince. Moi à Navarre,
vous au roi de France. En ce service, vous avez, comme moi, prospéré, vous par
vos missions, moi par la picorée et pillerie des combats, tant est que vous
avez, comme on dit, fait maison, et sans attendre un siècle.
— Que
fait donc là ce siècle ? dis-je en riant.
— Façon
de dire de Monsieur mon père qui allait repétant à ses cadets :
Faites en
cent ans civière !
Faites en
cent ans bannière !
Ce qui devait
dire que ses fils cadets ne devaient mourir qu’à cent ans, et au bout de ce
siècle, faire maison et se retrouver seigneur.
— Si
avez-vous fait, dis-je, et moi aussi.
— Si
ai-je commencé à faire, dit Rosny en levant haut la crête, et ne suis encore
que dans le bas du chemin, ma baronnie ne me contentant point, n’étant que
petit marchepied pour les grandeurs auxquelles j’ai appétit, servant Dieu,
l’État et moi-même au mieux de mes
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