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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vous suivre à la
guerre et d’être séparé si longtemps de ma Florine, mais vivre en votre suite
en ce tohu-vabohu de six personnes, c’est trop ! Je quitte votre service !
J’ai du bien, comme vous savez, lequel j’ai confié à un honnête juif de
Bordeaux pour lui donner du ventre. Je vais m’acheter terre et m’établir, comme
j’ai dit toujours que ferai.
    — Ha !
mon Miroul ! dis-je, contrefeignant des alarmes que je n’éprouvais point,
cette démission étant pour le moins la centième, que ferais-je sans toi ?
Ne pouvant que je ne me soumette à Rosny et privé de ta fraternelle présence,
quand plus elle me fait besoin, et non point seulement cette fois comme ami et
secrétaire, mais comme gouverneur de mes pages et majordome de mes valets,
lesquels pages et valets, j’eusse voulu aussi que tu recrutes, puisqu’ils
seront sous toi.
    — Moussu,
dit Miroul avec gravité, si vous subordonnez à moi les pages et les valets,
voilà qui change quelque peu la physionomie de la chose. Mais quid de cet
écuyer de merde ? Voudra-t-il, étant noble, me commander ?
    — Que
nenni, dis-je, il n’aura pas affaire à toi, mais à moi seul.
    — Mais,
dit Miroul, son œil bleu douteur encore, et désolé, ce gentillâtre étant noble,
ne voudra-t-il point me morguer et prendre ma place en votre confidence et
intime amitié ?
    — Nenni,
Miroul ! criai-je en lui donnant une forte brassée, et en couvrant ses
joues de chaleureux poutounes, vingt et un ans se sont écoulés depuis que je
t’ai surpris à rober un jambon dans la souillarde de Mespech, pauvre gueux
orphelin réduit par la male faim à ribauderie armée ! Vingt et un ans que
je t’ai arraché à la hart et que tu ne m’as pas quitté, me sauvant à ton tour
tant de fois la vie que j’en ai perdu le compte et te trouvant plus
quotidiennement mon compagnon que même mon Angelina ; si fortement uni et
conjoint à mon être qu’à peu que je te sente différent de moi-même !
Partant, irais-je donc de moi te disjoindre, te perdre et me diminuer pour un
nouveau-venant ! Fi donc ! Suis-je un homme d’étoffe si
changeante ! M’as-tu trouvé tel avant ce jour ? Tu m’offenserais,
Miroul, à tenir ce pensement davantage !
    — Ha !
Moussu ! s’écria Miroul, point d’offense ! Vous m’assouagez tout à
plein par votre affectionnée condescension. J’accepte votre parole et formelle
promesse de me garder en bonne amitié et si vous me l’ordonnez, je vous
trouverai moi-même ce petit gentillasse de merde.
    — Voire
mais, mon Miroul, dis-je en riant, si tu le dois toi-même recruter, il ne
convient pas que tu le merdoies plus avant.
    On toqua à
l’huis, et avant que j’eusse donné l’entrant, apparut, la porte
s’entrebâillant, la fort amène face de mon hôtesse, laquelle me quit si elle
pouvait entrer. Et moi acquiesçant et le fluet, agile et élégant Miroul
s’ensauvant, non sans quelque vif brillement de son œil bleu, je me levai et
dis avec un petit salut :
    — Madame,
outre que vous êtes céans chez vous, je suis charmé que vous me veniez voir.
    — Ha !
Monsieur le Baron, c’est trop de bonté de vous ! dit ma visiteuse,
laquelle, je gage, se trouvait immensément caressée de ce que je l’eusse
« madamée » au lieu de l’appeler « ma commère », comme
Rosny avait fait devant moi, lui voulant par là marquer sa place – bien
au-dessous de lui par la naissance –, la belle étant, d’après ce que nous
avions ouï, une chambrière que son maître avait, en quatrièmes noces épousée,
ses trois précédentes garces étant mortes en couches.
    Ledit gautier
était un drapier qui, se trouvant fort étoffé par ses bargouins et à ce que je
crois, par ses usances, avait à la parfin, rendu à la présente dame, le double
service de la marier, étant vif, et de l’enrichir, mort. Il est vrai qu’à en
juger par ce qui restait de beauté à mon hôtesse et qui était considérable, la
dame avait dû être, en son premier bourgeon, un fort friand morcel. Qui plus
est, se trouvant haussée de chambrière à bourgeoise, elle avait si bien pris le
ton, les manières, la vêture et la parladure qui convenaient à son état, que
vous eussiez cru, à l’ouïr et la voir, qu’elle était demoiselle de bon lieu.
D’autant que prenant de soi soin de son éducation, elle s’était appris à lire,
à écrire et compter – sciences où nos hautes dames n’excellent pas
toujours –,

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