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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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avait l’œil au ménagement de sa boutique et ses commis, et
commandait tout à baguette.
    De son
apparence, le mieux que je puisse en dire, c’est qu’elle était fort savoureuse,
comme se dit d’un fruit, auquel elle ressemblait tant par sa resplendissante et
se peut, finissante maturité. À vrai dire, de son âge, je ne sais s’il était
plus proche de trente ou de quarante, tant elle avait le bec cousu sur les
dates, feignant même de n’avoir jamais ouï parler de la Saint-Barthélemy que
par les contes de son père. Ce dont fort je doutais, car je voyais bien, à
l’examiner plus outre (ce que je faisais fort volontiers, la dame étant si
accorte) que l’âge la griffait çà et là, et dans les endroits où la beauté de
nos pauvrettes se défend toujours mal ; aux yeux, au menton et au cou.
Mais le corps tenait encore fort vaillamment sa partie en cet ensemble, le
parpal rondi, mais non défaillant, le dos droit, les gambes musclées, la fesse
ferme, et pardessus le tout, une grande force et souplesse à se mouvoir qui
était très plaisante à envisager.
    Mais pour en
revenir à son visage, le plus beau en était l’œil, le plus immense que je vis
jamais, et jusqu’à occuper quasi le tiers de la face, avec une ouverture
incrédible en hauteur et largeur, éclairant tout comme un phare, l’iris chaud
et mordoré, le regard prenant et cependant suave, vous baignant, à se tourner
sur vous, de ses rayons de lune ; la bouche, grande aussi, rouge, charnue,
et qui mieux est, sans cesse en un branle délicieux, les lèvres s’ouvrant sur
de belles dents en un jeu de souris, de demi-souris, de mines et de moues d’une
mignardise infinie. Tant est qu’à l’entretenir, comme je faisais en ce matin
d’été en ma chambre, mon œil allait sans cesse du sien à sa bouche, et de sa
bouche derechef à son œil, et ainsi de suite en continuelle navette, comme si
j’eusse été aussi prisonnier de par son bec et sa prunelle qu’un souriceau de
par les pattes d’un chat.
    Quant à sa
vêture, qui était celle d’une dame de qualité, elle portait vertugadin de satin
bleu pâle, et corps de cotte de même étoffe, avec un col de dentelle au point
de Venise, le cheveu en bouclettes très bien testonné, le front lavé d’eau
claire, fort peu de pimplochement, sauf à l’œil, le tout propret et parfumé.
    — Monsieur
le Baron, dit-elle, quand à ma prière elle se fut assise, j’aimerais quérir de
vous ce que vous appétez à manger pour votre repue de onze heures.
    — Ha !
Madame ! dis-je (son bel œil cillant au plaisir toujours neuf que ce
« Madame » dans ma bouche lui baillait), je suis soldat et j’aimerais
ce que vous aimerez. Car j’espère bien que vous ne me priverez pas à table de
votre tant belle face, me laissant mâcheller seul mes viandes, comme Suisse ou
chanoine.
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle en battant du cil, je connais mon rang. Et je
n’oserais m’asseoir à dîner avec le baron de Siorac, tant charmant que je
présume de le trouver.
    Cette franche
attaque me laissa si béant que je lui fis un petit salut pour me donner le
temps de me reprendre.
    — Madame,
dis-je à la parfin, je suis ravi que vous vouliez bien trouver du charme à un
barbon de trente-huit années.
    — Monsieur,
dit-elle, il est vrai que je suis plus jeunette que vous (à quoi je souris en
mon for) mais il y a en vous, Monsieur, si j’ai l’audace de parler ainsi, un
je-ne-sais-quoi de bien trempé comme une bonne lame que je me permets de
trouver infiniment confortant.
    — Madame,
vous ne sauriez croire comme je suis atendrézi par ce joli compliment, et
n’était le fait que je vous dois quitter dans huit jours, et me mettre, comme
il sied à mon présent état, au hasard de ma vie, j’eusse conçu pour vous une
extraordinaire amitié.
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle avec un soupir, ses beaux yeux mordorés m’inondant
d’une lueur suave, c’est trop présumer de notre humaine condition que d’appéter
à un lien éternel. À trop prétendre, on ne prend rien. Pour moi qui ai
l’infortune d’être veuve, je ne vois point de grâce aux hommes de ma condition,
les trouvant rufes, discourtois, paonnants et piaffeurs. Leur donnerais-je un
doigt qu’ils voudraient la main, et la main, la maison. Fi donc ! Je me
veux, de moi et de ma fortune, maîtresse, délicate en mes choix et décidée à ce
que ceux-ci ne m’engagent point au-delà du temps de ma fantaisie.
    C’était

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