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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’étant pas, quant à
moi, fille de Roume comme la Gavachette. Aussi ne veux-je pas être tenue à
moins qu’elle, mais à plus, dans les fêtes de nos villages.
    Ayant ri de ce
trait – nos gens ayant entre eux ces petits chamaillis d’honneur qui ne
sont ni plus ni moins stupides que ceux de nos muguets de Cour –
j’acceptai sans rechigner la première et la quatrième condition de Babille,
mais pour la seconde et la troisième, qui ne dépendaient pas de moi, il m’en
fallut de prime parler au maître de Mespech. Lequel au premier mot s’esbouffa à
rire.
    — Ventre
Saint-Antoine ! dit-il, je suis heureux, Monsieur mon fils, que Babille
vous plaise et qu’elle se plaise à vous. Je ne l’ai pas placée là par hasard.
C’est une bonne et saine garce, et si elle vous fait fille ou fils, nous
élèverons son beau fruit céans. Quant à vous, et pour vous, je me réjouis
grandement. Ne sais-je pas, reprit-il avec un soupir (pensant à la mort de
Sauveterre) qu’il n’y a rien de tel qu’un grand dol, deuil, dommage et pâtiment
de cœur pour vous escouiller l’homme. Raison pour quoi je tiens – comme
médecin, comme père et comme philosophe – qu’il faut, dès que se peut,
guérir l’âme par le moyen des sens. C’est raison et c’est délices. Et les deux
vont bien ensemble, quoique Paul en dise.
    Ce Paul était
saint Paul, à qui mon père en huguenot conséquent ne voulait pas donner du
« saint ». En outre, il ne prisait guère sa doctrine pour ce que
disait-il, « Paul avait poussé jusqu’à l’excès la défiance de la
chair », dont les plaisirs, bien au rebours, mon père tenait pour
éminemment sains, rebiscoulants et médicamenteux.
     
     
    Babille et son
gentil babil, fait de proverbes et de dictons puisés au fond des âges dans
notre périgordine sagesse (tantôt vraie, tantôt fausse, mais toujours
ébaudissante) me tinrent chaud en mon cœur et en ma coite tant que dura
l’hiver.
    Je n’affirme
pas que je fus guéri, ni que je le fus tout uniquement « par le moyen des
sens », pour ce qu’aux sens, dès qu’ils s’épanouissent avec fille qui à
vous se fond, se mêlent des émeuvements et des sentiments qui en décuplent le
prix. Sous les piquants de son écorce, Babille était faite, comme la châtaigne,
d’une pulpe suave, et quant à moi, comme sait bien le lecteur, je suis assez
bon sire, très atendrézi par la tendresse des garces, et dès qu’elles s’y
prêtent, avec elles infiniment cajolant. Je baignais, en outre, en Mespech, non
point seulement dans la grande amour du meilleur et du plus émerveillable des
pères, mais dans celle de nos gens, lesquels m’avaient vu naître, dont j’avais
soigné plus d’un et pour qui, bien plus que mon aîné, j’étais le prince en ce
petit royaume : Barberine ma nourrice, La Maligou, Cabusse le Gascon,
Cathau qui fut la chambrière de ma mère, le berger Jonas, la Sarrazine,
Coulondre Bras de Fer, Faujanet, Pétromol, que sais-je encore ! Je ne peux
tous les énumérer, mais leurs beaux noms périgordins chantent encore en ma
remembrance, tandis que j’écris ceci. En outre, j’aimais Mespech, j’aimais ses
murs mêmes, et si étrange que cela paraisse, j’ose affirmer qu’ils m’aimaient
aussi : je le sentais au chaud et au rond de la pierre, la paume de ma main
l’épousant, quand je descendais le viret qui mène à la grand’salle.
    En ce mois de
décembre où ma gentille Babille, sans qu’elle le sût, fit de si bonnes
curations à mon âme navrée, je reçus deux lettres qui, l’une fort promptement
advenue et l’autre incrédiblement délayée, me confortèrent toutes deux
grandement. La première, la plus prompte à m’atteindre, était de Fogacer,
lequel, pour les raisons que l’on sait, était demeuré avec son Silvio dans ma
seigneurie du Chêne Rogneux, et me mandait que l’Alazaïs avait fait merveille
avec Angelina, laquelle était devenue plus quiète, ou point tant convulsive,
veillait à ses enfants, de moi parlait souvent en termes très affectionnés et
eût ajouté mot à sa lettre si, son pouce, étant goutteux, ne l’en avait empêchée.
Encore que ce dernier trait, le lecteur entend bien pourquoi, me gâtât un petit
tout ce qui précédait, je fus très consolé que le déportement de mon épouse se
fût assouagé, et répondant incontinent à Fogacer, j’y joignis une lettre pour
elle, que ma compassion me dicta, et où je lui donnais de bonnes assurances

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