La Violente Amour
de
mon dévouement.
La deuxième
lettre missive, qui était de mon intime et immutable ami Pierre de L’Étoile,
était départie de Paris au début d’octobre et avait mis près de deux mois à me
parvenir. Elle m’apportait la bonne, l’excellente, l’excellentissime nouvelle
de la victoire du roi devant Dieppe, à Arques, sur le gros Mayenne, et une
armée de ligueux deux fois plus nombreuse que celle du roi, grâce à la
supériorité de quoi Mayenne avait proclamé, en quittant la capitale, qu’il
allait prendre Navarre dedans Dieppe et le ramènerait serré en cage, dans la
bonne ville. Oyant quoi, nos bons Parisiens, plus badauds et crédules qu’aucun
autre peuple en ce royaume, commencèrent incontinent à louer des chambres et
des fenêtres sur le supposé parcours de ladite cage, afin que de voir passer
l’hérétique, lié et garrotté, et se donner la joie de le couvrir de
crachats – lesquels, Mayenne tout à plein défait, ils durent ravaler en
leurs assotés gosiers.
Le lendemain,
me confirmant cette mémorable nouvelle, me parvint de mon beau muguet de Cour,
le baron de Quéribus, une lettre coruscante et caracolante, écrite, je suppose,
avec l’aide du bouffon Chicot (mon beau Quéribus n’étant pas trop docte en
écritures) où Mayenne était moqué comme un gros pourceau qui s’apparesse sur
sa putain, passant plus de temps à table que Navarre au lit, et plus de
temps au lit que Navarre à cheval, lequel les Seize – ce ramassis
parisien de vaunéants, de robins et de curés – avaient eu le front de
nommer lieutenant général du royaume, proclamant roi, sous le nom de
Charles X, ce pauvre vieux sottard de cardinal de Bourbon, lequel n’était
point seulement l’oncle de Navarre, mais son prisonnier, ce pauvre roi de
pourpre et de carton étant serré et surveillé de près en sa geôle dorée.
Quéribus
n’omettait point, comme bien on pense, de conter – se peut en y
rajoutant – ses hauts faits à la bataille devant Dieppe, ce qui ne manqua
pas de m’agacer la moustache et de me donner quelques démangeaisons dans le
fourreau de mon épée.
— Ventre
Saint-Antoine ! dit mon père, quand je lui eus lu cette lettre, dirait-on
pas que Quéribus a inventé la vaillance ! Ce muguet était encore en
nourrice quand je me battais, avec de l’eau jusqu’au poitrail, pour reprendre
Calais aux Anglais.
Nous étions
l’un et l’autre en ces sourcilleuses dispositions, quand nous parvint, à mon
père et moi-même adressé, un mot bref et décisoire de M. de Rosny, nous disant
que si gambe de l’un et bras de l’autre étaient remis, le roi nous voulait
incontinent à son côté comme toute sa bonne noblesse, ramassant, rameutant et
ramenant à lui autant d’hommes que nous pourrions, et lui apportant en surplus
les pécunes dont il avait grand besoin, et que si nous avions des bois à couper
et à vendre, qu’au nom du ciel, nous les coupions pour lui apporter clicailles,
afin qu’il pût payer ses Suisses, sa poudre, ses canons, et l’envitaillement de
ses troupes.
À Dieu ne plût
que le baron de Mespech, si bon ménager de son domaine, coupât prématurément
ses beaux bois de châtaigniers, mais sur notre département, mon escorte étant
grossie de la sienne, nous passâmes par Bordeaux, où mon père avait confié,
deux ans plus tôt, quatre mille écus à un honnête juif pour qu’il leur donnât
du ventre par ses usances, lesquelles, comme on sait ne sont pas permises aux
chrétiens par les Églises, raison pour quoi les Juifs se chargent de ce vilain
péché et, prélevant leur dîme, y emploient nos dévotes pécunes.
Mais ce détour
nous. délayant, nous nous trouvâmes davantage retardés par la nécessité où nous
nous encontrâmes, encore que nous fussions forts de vingt-cinq chevaux –
nos montures et nos armes étant excellentes – d’avancer à sabot de
velours, et fort à la prudence, pour ne point nous heurter aux nombreuses
bandes ligueuses qui couraient le plat pays, mon père ne voulant point hasarder
à rançon les précieux écus qu’il apportait au roi. Enfin, parvenus à
Tours – siège du gouvernement royal –, nous y demeurâmes une semaine
à nous y refaire, le plus dur restant à accomplir pour ce qu’il fallait trouver
l’armée du roi dont personne à Tours ne sut nous dire précisément où elle
s’encontrait, les uns disant qu’elle était à Poissy, d’autres à Meulan, et
d’autres enfin à Évreux. Ce
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