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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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savait pas jusqu’où pouvaient s’étirer les principes de sa mère et
ceux de ce père Frigon qu’elle refusait de trouver sympathique ou bel homme ou
cultivé ou amusant, comme le décrivait Micheline. Elle était incapable de lui
donner sa bénédiction. Pas encore. Micheline lui avait raconté que son
professeur de philosophie, un religieux, s’était épris d’une de ses consœurs de
collège qui avait vingt ans alors que lui en avait au moins trente-cinq »
et qu’ils avaient filé ensemble le parfait bonheur. Sa sœur en avait gloussé
alors qu’elle en avait été traumatisée, non qu’elle fût pratiquante, mais elle
croyait encore taboues certaines zones de l’existence. Et encore, elle n’en
était plus toujours certaine.
    Marcel parlait de faire un voyage en Belgique.
Si, depuis le baptême, il était un grand-père comblé, le soupirant secret de
Blanche était attristé, éconduit avant même d’avoir révélé ses espoirs.
    Élise passait donc ses journées en plein
bonheur dès que ses filles étaient avec elle, mais elle se retrouvait en plein
questionnement aussitôt qu’elle pensait à sa mère, et en pleine désillusion
lorsque Côme rentrait à la maison.
    – Élise !
    Elle sursauta. Elle était à des années-lumière
de Wilson, qui pourtant se trouvait là, en chair et en os, avec ce petit Dany,
« la chair de sa chair ». Elle frissonna. Cette expression – ô
combien biblique ! – lui donnait le vertige par sa profondeur.
    – Où es-tu, Élise ?
    – Perdue, Wilson, dans le labyrinthe de
plus en plus compliqué de la vie. Je suis comme un petit rat qui ne cesse de se
frapper contre des murs.
    – Mais qu’est-ce qui t’arrive ? Tu
nages en plein bonheur !
    – Je suis lasse de nager à
contre-courant.
    – C’est ce qui fait ton charme, belle
demoiselle Élise.
    – Je viens d’avoir trente et un ans,
Wilson, et je me cherche encore.
    – Signe d’intelligence…
    Élise alla voir ce qui retenait ses filles
dans le sommeil, et elle redescendit sur la pointe des pieds.
    – Dany, si ton papa est d’accord, toi et
moi, on va aller voir un gros Poussin et un petit Poussin.
    – Le parrain ne bougera pas.
    – Pitpitpit ?
    – Peut-être, Dany, peut-être pas. Viens,
allons-y !
    Elle prit Dany par la main et elle ne cessa de
la caresser. Le garçon poussa des cris d’excitation dès qu’il vit les chevaux.
Poussin s’approcha de la clôture, P’tit Poussin collé à sa croupe. Élise leur
parla longuement, puis elle entra dans l’enclos et prit Dany dans ses bras.
Sans hésiter, elle lui fit enfourcher Poussin, qui ne broncha pas.
    – Quel beau cavalier tu fais, Dany !
    – Pitpitpit Dany !
    En riant, Élise reprit l’enfant, qui obéit, docile.
Elle l’emmena alors au poulailler, où il ramassa un œuf tout collant et plein
de plumes.
    – Moi, coco !
    – C’est sûr que c’est à toi !
    Elle l’emmena ensuite voir la dizaine de vrais
poussins qui pépiaient dans leur couveuse improvisée, un bac de plastique
au-dessus duquel pendait une ampoule.
    – Oh ! beaux !
    Elle en choisit un et le lui mit dans les
mains.
    – Pitpitpit !
    – Doucement…
    – Chut ! Dodo, pitpit !
    Elle le laissa avec les poussins tandis
qu’elle ramassait les œufs.
    – Chut ! Dodo, pitpit, dodo !
    Lorsqu’elle revint vers lui, elle poussa un
tout petit cri d’étonnement.
    – Chut ! Dodo, pitpit !
    Elle prit un poussin, puis un deuxième. Dany
les avait tous étranglés de son affection. Elle reprit l’enfant par la main et,
portant le bac de l’autre, se dirigea vers le fumier.
    – Quand tu aimes, Dany, tu aimes fort…
    – Houi !
    Elle mit les poussins sur le fumier, les
recouvrit en utilisant la fourche et leur fit au revoir de la main, imitée par
Dany.
    – Au revoir… ! Bon voyage dans le
train des poussins… ! Bon voyage… !
    –’Yage… ! Dodo… !
    Pressant le pas, elle revint à la maison pour
découvrir Wilson assis par terre dans le salon avec les filles, tous les trois
très occupés par un jeu de cartes.
    – Tiens ! votre maman est de retour
avec votre prince charmant. Dites-lui que vous avez bien dormi et que je vous
ai langées.
    Élise regarda Wilson avec reconnaissance.
    – Tu aurais peut-être dû faire la
pédiatrie…
    – Pas nécessaire, Élise. Je préfère la
médecine générale. Je vois tout le monde, les hommes, les femmes, les enfants,
et c’est pour cette raison que j’ai

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