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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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changé d’hôpital.
    – Je sais. Tu es à
Saint-Jean-sur-Richelieu. Micheline me l’a dit.
    – Oui, et je fais, quand je le peux, des
visites à domicile.
    – Et la castonguette ?
    – On se débrouille.
    – Dodo, pitpit, dodo !
    En rigolant et en tenant toujours Dany dans
ses bras, Élise raconta sa chevauchée et les funérailles des poussins.
    – Qui trop embrasse mal étreint…
    – Je ne suis absolument pas d’accord avec
ce dicton. On peut mal aimer, mais mal étreindre quand on aime, j’en doute. Une
simple étreinte, ça veut dire quelque chose, non ?
    Wilson ne répondit rien.
     
    * * *
     
    Si l’orage n’avait pas été si violent, le
jeune médecin serait rentré à Montréal, mais les vents eurent raison de lui et
il fut forcé de camper à L’Avenir avec Dany, déjà endormi sur le canapé du
salon. Le souper avait été amusant, les petites ayant commencé à tenir chacune
sa cuiller, et Dany avait eu la permission de leur faire avaler quelques
bouchées. Élise offrit sa chambre à Wilson, expliquant qu’elle dormirait dans
ce qui avait été sa chambre de jeune fille. La chambre de Côme avait été
convertie en pouponnière. Wilson refusa net, mais lui demanda si elle ne voyait
pas d’objection à installer le petit par terre, près d’elle.
    – Mais pourquoi ?
    – J’irais dormir dans l’écurie.
    Élise éclata de rire et fit non de la tête.
    – Pour sentir le cheval et le
fumier ? Non, monsieur ! C’est une odeur de travail pour le jour, pas
pour la nuit. Tu vas dormir dans mon lit.
    – Avec toi, Élise ?
    Elle fut tétanisée. Elle avait souhaité et
appréhendé cet instant depuis le baptême. « Pratique, pratique, Élise,
d’avoir choisi Wilson comme parrain… », lui avait lancé Micheline.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? » lui avait-elle demandé.
« Rien ! » Et Élise avait mis ses fantasmes en veilleuse lorsque
Micheline avait commencé à fréquenter Wilson.
    Elle n’avait vu rien d’autre chez Wilson que
la générosité et l’humour, ainsi que la générosité et l’amour. Elle se
répétait. Mais Côme était celui qu’elle avait choisi pour la vie, et dans la
vie, maintenant, il y avait Wilson. Curieux, les visages que pouvait prendre la
vie… Curieux, les détours que lui avait fait prendre la vie lorsque son père en
avait été expulsé pour la lancer dans les bras de Wilson. Y avait-il eu là un
présage qu’elle n’avait pas su interpréter ? Maintenant sa perception de
Wilson allait au-delà de sa générosité. Elle frôlait l’immoralité – mais
était-ce bien le cas ? – et l’adultère.
    – Est-ce qu’on parle d’adultère quand on
est soi-même trompé, Wilson ?
    – Je ne sais pas.
    – Non, Wilson. Je souffre tellement
lorsque mon mari me ment et qu’il empeste le parfum, que…
    – Dommage…
    – Oui, dommage, parce que maintenant
c’est Micheline qui t’a enlevé.
    Wilson se figea avant de comprendre le
malentendu. Il s’approcha d’Élise et lui murmura que Micheline et lui se
voyaient souvent parce qu’elle était son avocate et qu’elle le représentait
pour son divorce.
    Élise demeura bouche bée et remercia le ciel
d’ouvrir une brèche dans son labyrinthe. Elle avait tellement envie de cet
homme d’ébène qu’elle ne pouvait même plus retenir ses pensées, lesquelles se
précipitaient non pas dans sa tête mais directement dans son corps.
    – J’ai souvenir encore des muscles de tes
bras, Wilson. J’ai souvenir encore de ton étreinte. Tu m’avais dit d’aller
chercher la sagesse de l’arbre. J’ai tout fait pour être sage et raisonnable,
mais j’étouffe, Wilson. Malgré tout, je ne saurais manquer à ma parole. Pas
encore. J’ai tant voulu être parfaite pour que mon père soit fier de moi…
    – Mais ton père t’a quittée, Élise. Contre
son gré, oui, mais il a quitté ce monde…
    – Il m’a abandonnée et il n’est jamais
mort. Il est encore jeune et souriant dans mon souvenir. Il n’est pas mort
encore.
    Élise tourna le dos à Wilson et s’appuya
contre le cadre de la porte de la chambre. Alors il vint la protéger comme il
l’avait fait dans le champ, au vu et au su de tous les passagers du train.

– 36 –
1972
     
     
    Le jour de l’An ressembla à des funérailles.
Heureusement que Violaine et Viviane y mirent de leur joie et de leur
insouciance, car Élise se serait enfermée dans sa chambre pour n’en sortir que
le lendemain.

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