L'abandon de la mésange
offert
cette bague dont elle avait rêvée, mais auparavant il avait invité sa mère à
faire une longue promenade dont elle avait eu peu d’échos. Blanche était
rentrée souriante, certes, mais Élise avait aperçu une ombre passer furtivement
devant le bleu de ses yeux.
– Qu’est-ce que tu as, maman ? Il y
a quelque chose de pas correct ?
– Mais non. Je vous fais un café ?
– Non, merci.
Côme lui avait délicatement tenu la main,
qu’il avait portée à ses lèvres. Elle ne reconnut pas la peau douce des doigts
qui caressaient les siens. Puis Côme plongea son regard dans le sien sans
cesser de lui caresser nerveusement la main.
– Si tu le veux, elle m’appartient. Ta
mère me l’a donnée, ce soir.
Élise crut mourir. Elle pleurait, riait et
criait son bonheur intérieurement, mais aucun pleur ni rire ni cri ne parvint à
sortir de sa bouche.
– As-tu l’impression qu’on se connaît
assez ?
– Ta mère m’a posé la même question. Je
lui ai dit que je voulais justement être près de toi le plus rapidement
possible pour qu’on se connaisse plus.
– Mais…
– D’ici le jour du mariage, Élise, je
viendrai ici tous les dimanches, et puis, si tu veux, tu pourras venir à la
maison.
– Je préfère rester ici. Toutes les
trois, on est tricotées serré, et je ne voudrais pas échapper une maille.
Côme fut défiguré par une peur immense. Élise,
tout excitée qu’elle fût, était terrorisée à l’idée de partir de la maison, de
quitter sa mère. Paniquée surtout à la pensée de ne plus vivre parmi les
souvenirs de son père. Elle vénérait comme des reliques tous les objets qui lui
avaient appartenu.
– Je comprends.
Il ne pouvait comprendre.
– Et pendant combien de temps encore
dois-je t’attendre ?
– Neuf septembre ?
– Neuf septembre ! Tu veux qu’on se
marie cette année, comme ça ! On a deux ans à rattraper, puis tu veux
qu’on le fasse en quoi, douze ou treize fins de semaine ?
– Bien oui. Ta mère vient de me dire
qu’elle et ton père s’étaient vus à peu près dix fois avant de se marier. On a
fait mieux… On s’est attendus pendant tant de temps que…
– Que ?
– Que moi, je meurs. Je veux dormir avec
toi…
Il se pencha pour lui chuchoter à
l’oreille :
– Je veux retrouver tes cuisses et
farfouiller sous ton soutien-gorge. Sentir se cambrer tes reins, recevoir dans
les oreilles ton essoufflement et tes petits cris affamés. Je t’aime tellement,
Élise, que je pourrais plonger dans le bleu de tes yeux et me noyer dans tes
larmes. Ça fait deux ans que je te rêve et t’espère. Pas toi ?
Élise lui fit le plus magnifique des sourires.
– Voilà ce que je voulais entendre. Rien
d’autre.
Élise eut le vertige devant la profondeur de
l’amour que Côme lui offrait. C’était au-delà de toutes ses espérances. Elle
inclina la tête, puis leva finalement ses yeux remplis d’eau. Elle ne lui
demanda pas les raisons du séjour qu’il lui avait fait faire au purgatoire, où
elle avait souffert chaque matin en ouvrant les yeux et chaque soir avant de
les refermer. Elle espérait simplement que leurs amours ne soient pas à l’image
de cette douleur.
Elle prit l’écrin que Côme lui offrait et il
lui enfila la bague. Lui tendant alors la main, elle dit :
– Je te la donne.
* * *
Un dimanche de la mi-juillet, alors qu’Élise
nettoyait les plates-bandes en compagnie de sa mère et de sa sœur, Côme arriva,
un colis sous le bras, le sourire aux lèvres.
– Belle jardinière de mes amours, j’ai là
le hors-d’œuvre du plus beau jour de notre vie !
Ils s’assirent tous les quatre sous les arbres
et Côme supplia Élise de déballer le paquet.
– Allez, ne me fais pas languir…
– Tu languis pour deux minutes et tu
chiales. Moi, tu m’as fait languir pendant plus de deux ans et il ne fallait
pas que je me plaigne. Si je le pouvais, Côme Vandersmissen, je l’ouvrirais
dans cinq ans, ton paquet !
Elle enleva les languettes de scotch une à
une, déplia lentement le papier kraft et resta bouche bée devant la
merveilleuse robe et le voile de mariée de M me Vandersmissen.
Blanche tiqua. Apparemment, la vie la privait du plaisir de gâter sa fille, si
cela était possible. Élise lui remit une enveloppe qui lui était adressée.
Chère madame Lauzé,
Il n’est pas de tradition d’habiller la
mariée lorsqu’on est la belle-mère. Puisque le ciel
Weitere Kostenlose Bücher