L'abandon de la mésange
qu’elle
aurait pu conserver une éternité dans du papier d’aluminium, lui préférant un
gâteau blanc et moelleux avec un glaçage au beurre.
– D’habitude, Élise, pour un mariage…
– J’ai pas l’habitude de me marier,
maman, et j’aime pas le gâteau aux fruits. Mais, si tu veux, on peut mettre une
belle bougie blanche dessus, avec des fleurs.
– De quelle couleur veux-tu tes fleurs de
sucre ?
– Des vraies fleurs, maman. En fait,
j’aimerais retrouver sur le gâteau les mêmes fleurs que dans mon bouquet de
mariage.
– Les mêmes…
Et sa mère avait fait faire le gâteau selon
ses spécifications. Le pâtissier avait eu beau protester, Blanche n’avait pas
cédé.
– Non, monsieur. Nous ne voulons pas non
plus d’un petit couple de plâtre sous une arche. Nous voulons une bougie
blanche et des roses roses et blanches.
– Piquées comme ça dans le gâteau ?
– Piquées ou couchées, à votre guise.
C’est vous l’artiste.
* * *
Le soleil était froid. Chaussés de leurs
raquettes, Élise et Côme marchaient dans les bois au rythme du craquement des
arbres et du frottement des branches énervées par le vent. Côme portait la
hache et Élise tirait l’égoïne sur une traîne sauvage, tous deux prêts à
travailler fort pour égayer leur Noël. Ils trouvèrent un pin de quatre pieds,
rond comme un œuf, avec une tige maîtresse sur laquelle accrocher l’étoile
qu’Élise avait fabriquée avec du tulle blanc et du fil de fer. Ils firent
« oh ! » et « enfin ! », lui coupèrent le pied et
le couchèrent sur le toboggan.
Ils rentrèrent en reniflant, les joues rouges,
les yeux humides, heureux de leur butin. Côme installa le pin dans son support,
qu’Élise emplit d’eau. Ils firent un semblant de sieste et Élise eut du mal à
taire son secret, car, aussitôt qu’elle fut collée contre son homme, son
silence lui sembla trahison.
Mon bel amour,
Ce Noël est le dernier que nous verrons
seuls. L’an prochain, nous aurons un nouveau-né à coucher dans la crèche. Ta
semence a fait son œuvre et le moment de notre première récolte est arrivé.
Petit garçon ou petite fille, puisqu’il est de nous, cet enfant fleurira notre
bonheur, si cela est possible. Je t’aime, nous t’aimons.
Moi et
nous… x x
Élise posa l’enveloppe sur une branche, puis,
se ravisant, la plaça au fond de la crèche.
Le 24 décembre apporta une nouvelle neige et
de fortes rafales. Élise craignit que sa famille ne puisse se déplacer, mais ce
fut Côme qui eut un mal de chien à voyager entre la maison et la gare de
Drummondville. Élise avait suspendu une couronne dans la fenêtre de la porte et
elle resta en haut de l’escalier, prête à ouvrir dès qu’elle les verrait
arriver.
Son oncle Paul avait accepté l’invitation avec
autant de bonheur que si on lui avait offert de rencontrer la reine
d’Angleterre ou le bon pape Jean XXIII. Les jeunes mariés se faisaient une joie
de le recevoir dans leur minuscule nid, d’autant plus que, prétextant sa
timidité, il avait refusé de dormir chez les Vandersmissen, optant pour leur
canapé-lit.
Après une longue attente qu’elle avait
terminée assise sur la dernière marche de l’escalier, Élise vit la porte
s’ouvrir pour laisser entrer Micheline qui, poussée par le vent, faillit
échapper les cadeaux dont elle avait les bras remplis. Elle était suivie de
Blanche, qui riait en faisant tomber la neige de sa petite chaîne de visons. M me Vandersmissen
apparut en s’excusant d’arriver si tôt.
– Il me tardait de rejoindre toute notre
famille.
Elle alla déposer ses présents sous l’arbre.
– Oh ! mais c’est un Noël fleuri que
nous avons ici ! Quelle merveilleuse idée, Élise !
Paul monta lentement. M. Vandersmissen,
qui les avait rejoints, s’ébaudit devant le pin.
– Vous avez bien choisi. Votre
appartement a déjà l’air d’une maison !
Blanche passa à la cuisine pour regarder ce
que sa fille avait préparé.
– Attends le réveillon, maman…
– Permets-moi d’être curieuse… J’ai
tellement hâte !
– O. K.
Blanche découvrit des tourtières, des pots de
chutney aux fruits, des cretons, des sablés décorés de cerises confites, rouges
ou vertes.
– Quelle merveille ! J’ai
l’impression d’avoir cinq ans et de fouiller dans les provisions de ma
mère !
– Et moi, j’ai l’impression que dans cinq
minutes je vais te demander
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