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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Élise insista pour
rapporter une immense caisse pesant plus de vingt kilos afin d’en offrir les
fruits à leurs mères et Côme s’inclina. Indifférents aux sourires narquois qui
saluaient leur passage, ils la portèrent à deux en ahanant, changeant de côté
toutes les cinq minutes pour soulager leurs bras ankylosés et leurs doigts
meurtris.
    Ils se retrouvèrent enfin sur le quai de la
gare à attendre le train qui les ramènerait à Montréal. Élise trépignait
d’impatience. Vivement qu’ils entrent dans leur maison pour apprivoiser
ensemble le quotidien de leur vie qu’il lui tardait de débusquer !
     
    * * *
     
    Blanche et Micheline les accueillirent à la
gare et Micheline éclata de rire en les voyant transporter leur caisse de
pêches.
    – Avez-vous l’intention d’approvisionner
les Italiens du marché Jean-Talon ?
    – Non. C’est pour maman !
    – Pour moi ? Mais que veux-tu que je
fasse avec autant de pêches ?
    Élise fut chagrinée de voir que le cadeau si
original pouvait encombrer.
    – Tu m’as mal comprise, maman. Je vais
faire les confitures et t’apporter les pots pour que tu t’en régales.
    Son ton manquait sans doute de conviction
puisque Blanche comprit qu’elle avait heurté sa fille et s’en mordit les
lèvres.
    – C’est très gentil à vous d’avoir
transporté ces pêches jusqu’ici pour nous faire un cadeau sucré !
    – Mais tout le plaisir a été pour nous,
belle-maman.
    – Je parie que vous avez porté la caisse
pour vous faire des muscles à la Brando !
    – Mon Côme a déjà des muscles plus beaux
que ceux-là, Micheline. Des muscles qui ont poussé dans les champs.
    Élise fit un air coquin à son mari, qui alla
récupérer leur valise tandis qu’elle décrivait la splendeur des chutes. Elle
omit toutefois de raconter l’expérience qu’elle avait vécue dans une espèce de
cylindre métallique derrière un épais rideau d’eau, à entendre le hurlement des
chutes. Elle y avait écouté la colère de l’eau, se demandant si la mort était
aussi déchaînée lorsqu’elle engouffrait une âme.
    Ils sortaient de la gare lorsque Élise aperçut
M. Philippe. Elle lui fit aussitôt un signe de reconnaissance et il se dirigea
vers eux en sautillant.
    – Vous rentrez de voyage de noces en
train ?
    Élise n’avait certes pas oublié le réconfort
que lui avait prodigué M. Philippe lors de son retour de Drummondville.
    – Oui, en train, en digne héritière
Lauzé.
    Elle s’approcha de son oreille.
    – Je n’ai plus de verrues sur l’âme.
    M. Philippe lui fit un sourire complice
que ne comprirent ni Blanche ni Micheline, auxquelles elle avait caché sa
mésaventure pour ne pas les accabler davantage.
    – Oh ! les belles pêches ! M me  Philippe
nous en ferait une de ces confitures avec juste un peu de muscade et une tête
de clou pour nous planter le goût dans la langue !
    – Ma sœur, elle ferait ça pour me clouer
le bec !
    – Je n’y aurais pas pensé, Micheline,
mais maintenant que tu me le dis… Monsieur Philippe, ça me ferait plaisir
d’offrir des pêches à votre dame. Avez-vous un sac ?
    – Mon vieux sac à lunch.
    Il sortit le sac de papier kraft froissé comme
une pomme de décembre oubliée sur une branche. Avec l’aide de Côme, Élise mit
délicatement les fruits dans le sac, qu’elle remplit à ras bord sous l’œil
triste de Blanche qui souhaitait que sa fille lui pardonne sa réaction trop
vive.
    – Vous savez qu’on vous a attendus à la
noce, vous et votre fils.
    – C’est gentil, mais ce n’était pas notre
place.
    Élise s’en voulut de ne pas avoir pensé à le
prendre pour père.
    – Un ami de papa sera toujours à sa place
dans notre famille. M. Philippe eut la délicatesse de ne pas répondre. Il
continuait de sourire, soucieux de ne pas porter ombrage au bonheur d’Élise.
    – Tu sais, ma belle mademoiselle, pardon,
ma belle madame Élise, notre Wilson va se fiancer avec une oiselle venue
directement des Caraïbes. Quand elle marche, elle sautille comme si elle était
sur du sable trop chaud.
    – Je leur souhaite un bonheur semblable
au nôtre et beaucoup d’enfants.
    M. Philippe s’éloigna en faisant songer
lui aussi à un oiseau sur le sable chaud. Il se retourna et, tout en tapotant
son sac de pêches, leur fit au revoir de la main. Élise fit de même en y
mettant tout son cœur, puis saisit un côté de la caisse de pêches maintenant
allégée. Côme se

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