L'abandon de la mésange
t’attendait ?
– C’est toi qui le dis, Élise. Tu
présumes.
– C’est toi qui le fais, Côme. Je
suppose. Côme ouvrit les bras d’impuissance.
– Je n’ai rien fait de pire que ta sœur,
Élise.
– Côme Vandersmissen, va paître !
– 22 –
M. et M me Avoine
faillirent tomber à la renverse lorsqu’ils virent Élise dans la stalle de
Poussin. Elle n’avait pas laissé passer plus d’une journée avant de s’y rendre.
Elle brossait le cheval, terminant chaque coup de brosse par une petite tape
affectueuse. On aurait juré que la bête la reconnaissait.
– Madame Vanderchose ! En
personne !
Élise éclata de rire. Elle avait oublié qu’ils
connaissaient le surnom qu’elle avait longtemps donné à sa belle-famille. Puis
son rire se brisa. Elle avait fait défection. Les Avoine n’eurent pas besoin
d’explications pour comprendre qu’il y avait un malaise chez leur jeune amie.
– Fais-tu une petite allergie à la
campagne ? Un petit rhume des foins qui te fait pleurer ?
Élise eut envie de leur répondre
qu’effectivement son mari avait fait du foin, mais elle se tut. Elle n’avait
pas envie de parler de Côme. En une nuit, il l’avait propulsée dans
l’humiliation. Elle avait bien fait de partir, même si l’horizon de L’Avenir
lui manquait déjà, avec le potager rempli de légumes attendant d’être cueillis.
M. Avoine posa le mors et la bride de
Poussin à côté d’elle, puis ressortit avec son épouse. Elle aurait voulu les
remercier, leur sourire, mais elle en était incapable. La colère grondait dans
sa poitrine, entre le cœur et le nombril, et elle avait envie de se frapper le thorax
pour exorciser son mal. Elle attela Poussin, qui demeura indifférent au manque
de douceur de ses gestes et partit en trottant – tant pis pour les
policiers ! – dans la rue Villeneuve. Rendue sur la montagne, Élise
attacha le cheval à un arbre, remonta dans la voiture, s’allongea sur la
banquette et laissa enfin sortir le venin qui l’empoisonnait.
Elle pleura seule, cachée derrière un bosquet,
à l’abri des regards indiscrets. Elle pleura la mort de sa belle-mère, qu’elle
avait toujours aimée malgré ses remarques au sujet de l’absence d’héritier.
Cette femme avait connu et aimé son père, et peu de gens pouvaient lui en
parler avec autant de sensibilité.
Elle versa aussi des larmes d’impuissance en
pensant à son beau-père. Elle supportait mal le sentiment de l’avoir abandonné.
Côme la connaissait assez bien pour savoir que c’était sur ce point délicat de
son cœur qu’il lui faudrait appuyer.
Poussin éternua et Élise leva la tête pour
voir si tout allait bien. Elle se moucha avant de s’allonger de nouveau. Continuant
à penser à son beau-père, elle se demanda s’il pardonnerait à Côme. En fait,
elle souhaitait qu’il lui fasse des misères, qu’il lui répète ad nauseam qu’il était un beau salaud. Elle lui savait gré de l’avoir défendue, d’avoir
songé davantage à l’affront qu’elle avait subi qu’au chagrin de son fils qui
apprenait qu’il était orphelin. Et elle avait laissé le pauvre homme seul
devant les tiroirs remplis de son Amélie ; seul devant le placard qui
contenait encore toute sa coquetterie du dimanche et la sueur de ses semaines.
Était-elle une ingrate insensible ?
– Hé ! Est-ce que je peux
monter ?
Élise crut rêver. Relevant la tête, elle
aperçut Jacqueline. Elle eut la force de dire « Hein ?
Jacqueline ! » et de se redresser avant d’éclater de nouveau en sanglots.
Jacqueline grimpa à ses côtés et la berça sans dire un mot. Les deux amies
restèrent enlacées un bon moment, l’une tentant de soulager la souffrance et le
mal de l’autre. Puis, le vent s’étant levé, elles retournèrent enfin à
l’écurie, saisies par le froid de la montagne. Élise apprit alors que Côme
était allé trouver Jacqueline pour lui demander d’intercéder pour lui. Il
admettait qu’il avait été irresponsable… Il promettait que désormais… Il
avouait qu’il avait fait une erreur… Il désirait un pardon…
– Arrête, Jacqueline. Je n’en crois pas
un mot et toi non plus.
– Je ne sais pas. Il avait l’air
absolument sincère.
Élise secoua la tête.
– Non. C’est pas une erreur. À mon avis,
c’est presque trois ans d’erreurs.
– Avec qui ?
– Je veux pas le savoir.
– T’es bizarre… Moi, j’ai voulu
rencontrer les
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