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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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bricolage, de répétitions.
    Pendant qu’elle parlait, Côme la déshabillait
tout en lui assaillant le cou, les joues, le front, les mamelons, sans cesser
de lui caresser le ventre.
    – O. K., O. K., ma douce. Les enfants
vont avoir un souvenir de toutes les couleurs…
    – Ils sont tellement talentueux,
tellement intéressés, tellement…
    Les lèvres de Côme l’avaient bâillonnée. Les
oreilles remplies de bravos et de bonheur, Élise ne se défendit pas, trop
heureuse d’avoir enfin le temps de reprendre ses amours là où elle avait été
contrainte de les laisser, quelque part entre l’enterrement de Paul et le
chapiteau de ce soir.

– 29 –
     
     
    Élise se demandait si la chose était possible.
Les récoltes de juillet avaient été d’une abondance sans précédent. Sa mère
avait vécu chez elle durant tout le mois et ne parlait pas encore de rentrer à
Montréal, trop heureuse de passer l’été à la campagne. Micheline y était venue
aussi toutes les fins de semaine, aidant aux champs et à la cuisine.
    – T’as pas de chum ces temps-ci,
Micheline ?
    – Oui, rien qu’un et toujours le même.
C’est pour ça que j’ai toutes mes fins de semaine.
    Élise avait fait ses confitures de fraises,
ses tartes, ses rillettes. Elle avait fait des cornichons et des petits oignons
confits dans le vinaigre. Elle avait congelé des mannes d’asperges dans
l’énorme congélateur offert par Marcel. Ils étaient allés porter à l’abattoir
deux veaux, des poulets, des canards et trois cochonnets, que, dépecés, elle
avait aussi empaquetés et congelés. Elle anticipait la récolte des framboises,
des mûres et des cerises de terre. Elle ferait de la ratatouille dès que les
aubergines seraient assez grosses et elle projetait également de faire son
chutney aux fruits.
    Blanche se régalait des levers et des couchers
de soleil, et souvent elle allait faire une promenade avec Marcel, sous l’œil
amusé de Micheline.
    – Penses-tu que… ?
    – J’en sais rien. Mais si ma mère
épousait mon beau-père, elle deviendrait ma belle-mère…
    – Serais-tu d’accord ?
    – C’est trop farfelu.
    Les deux sœurs s’en amusèrent, convaincues que
la chose ne risquait pas de se produire puisque le souvenir de leur père était
encore vif. Il manquait toujours terriblement à leur mère, qui ne se gênait
plus pour verser une larme de temps à autre, quitte à se faire traiter de
pleureuse, un titre qui, Élise l’admettait, ne lui convenait aucunement. Sa
mère avait presque toujours eu le chagrin aigu et la larme discrète.
    Août se pointa sous la haie céleste d’un
arc-en-ciel qui suivit immédiatement un spectacle son et lumière de tonnerre et
d’éclairs. Les deux sœurs ainsi que Marcel et Blanche, levés depuis les
aurores, se réfugièrent dans la grange, rigolant et sautillant pour éviter les
gouttes d’eau qui tombaient du plafond.
    – Il faudrait que Côme se décide à
réparer la toiture.
    – Il faudrait que Côme se décide aussi à
peindre l’extérieur de la maison. Toi et moi, Élise, on a fait du beau boulot à
l’intérieur, mais l’extérieur est de plus en plus battu.
    – Il faudrait que Côme fasse un vestiaire
ici même, pour les imperméables et les parapluies.
    Micheline cessa de rire et donna un coup de
coude à Élise. Un filet de sang mêlé d’eau de pluie coulait dans sa botte.
    – La Croix-Rouge… et j’ai rien apporté…
    Élise la regarda en blêmissant. Sans dire un
mot, elle sortit sous la pluie, qui avait chassé le prisme du ciel, et entra dans
la maison. Micheline la suivit, sous l’œil étonné des parents.
    – Je n’ai jamais rien compris à cette
génération. Et vous, Blanche ?
    – De moins en moins. À soixante-deux ans,
je me dis que j’ai le droit de ne plus comprendre.
    – Vous avez les plus beaux soixante-deux
ans qu’il m’ait été donné de voir.
    Blanche choisit de regarder tomber la pluie
tandis qu’Élise, Micheline à ses côtés, était plantée devant le calendrier de
la cuisine, comptant et recomptant les jours.
    – Mais enfin, Élise, tu dois bien savoir
à quand remontent tes dernières règles…
    – Non, justement pas. J’ai cessé de
compter le jour où la lapine a survécu à mon test de grossesse. Quand ça n’a
plus d’importance…
    – Tu veux rire ?
    – Rire ? Rire de quoi au juste,
Micheline ?
    Les deux sœurs étaient impossibles à calmer.
    – Rappelle-toi. Quand tu

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