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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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répétais ton
spectacle…
    – Oui, c’est ça… Maintenant je m’en
souviens, parce que j’ai taché ma jupe en pleine classe et j’ai pensé qu’il
était heureux qu’elle soit noire. C’était…
    Encore une fois, elle tripota le calendrier,
comptant et recomptant les jours et les semaines.
    – Quelque part par ici.
    Elle avait désigné la semaine allant du 5 au
10 juin.
    – Rien depuis ?
    – Ma foi, non. Enfin, je pense que non…
    Élise désespéra. Elle ne cessait de fouiller
sa mémoire, à la recherche d’un œuf rejeté et expulsé.
    – Pas de nausées, pas de maux de ventre,
pas de libido à n’en plus finir ?
    – Non, non, oui.
    – T’es enceinte !
    – C’est pas possible !
    – Pourquoi pas ?
    – Parce que j’ai jamais été enceinte.
Ah ! Micheline…
    Élise éclata en sanglots tandis que Micheline
s’agitait.
    – Allez, allez, pipi dans le pot !
On n’a encore rien mangé.
    Élise s’exécuta et confia son précieux pot à
Micheline.
    – Pas un mot, je suis trop
superstitieuse.
    – Juré, craché !
    Micheline cracha dans l’évier et éclata de
rire, puis elle enfila un imperméable.
    – Dégueu…
    Sautant dans sa voiture, elle fila vers le
village, abandonnant Élise à ses espoirs et les parents dans la grange,
prisonniers de l’orage qui avait doublé d’intensité. S’immobilisant devant la pharmacie
encore fermée, elle regarda l’heure et soupira. Elle devrait attendre plus
d’une demi-heure avant de confier son précieux colis à Jacqueline. Apercevant
un restaurant, elle s’y précipita, impatiente de boire un café bien chaud, qui
ne la calmerait pas, mais qui lui donnerait du courage. Jamais elle n’aurait
cru qu’une grossesse chez sa sœur pût l’émouvoir autant. Tenir sa promesse de
ne jamais reparler de New York, ni même de sa grossesse, la torturait. Elle
aurait aimé raconter ses seins gonflés. Elle aurait aimé rire avec sa sœur de
la fois où elle avait presque eu une nausée à table devant leur mère et qu’elle
avait feint de s’étouffer avant de se précipiter vers l’évier. Si seulement
elle avait encore eu une sœur pour parler de ces choses. Élise était partout
dans sa vie sauf près de son utérus. Et elle ne voulait plus en entendre
parler. Micheline ne pouvait l’en blâmer.
    En entrant dans le restaurant, Micheline se
figea. Côme était là, attablé devant une généreuse assiettée d’œufs brouillés
et de bacon. En un éclair, elle se demanda ce qu’il faisait là, pour quelle
raison il n’avait pas dormi à la maison, pourquoi il n’était pas en train de
déjeuner avec son épouse. Si elle ne l’avait jamais tenu en haute estime,
malgré quelques moments de faiblesse, elle fut profondément heurtée de le voir
là alors que son avenir se jouait peut-être en ce moment même. Si elle ne sut
comment aborder son beau-frère, celui-ci parut aussi embarrassé qu’elle.
    – Ma belle-sœur préférée…
    – Bonjour, Côme.
    – Qu’est-ce que tu fais ici ?
    – Et toi ?
    – Je prends mon petit déjeuner avant de
rencontrer mes clients.
    – Si tu le dis…
    – Je le dis parce que j’ai roulé toute la
nuit.
    – Pareil… J’ai roulé à gauche et j’ai
roulé à droite sur mon matelas. Pas toi ?
    Côme ajouta du sucre dans son café en secouant
la tête.
    – Qu’est-ce qu’un gars doit faire pour
qu’une femme oublie une erreur ?
    – Ne pas en faire d’autres.
    Micheline se dirigea vers le comptoir, s’assit
sur un tabouret et commanda un café noir bien chaud et bien fort. Voyant qu’on
les regardait, Côme sourit à la ronde et la rejoignit pour la supplier, tout en
continuant à sourire et en prenant un cure-dent, de se joindre à lui. Micheline
le suivit à sa table et s’assit en souriant, elle aussi.
    – Veux-tu bien me dire pourquoi on a
l’air de deux beaux hypocrites ?
    – Parce que je ne suis pas ici ce matin.
    – Ça, mon cher beau-frère, je l’avais
compris. Et tu serais où ?
    – Ça, ma chère belle-sœur, ça ne te
regarde pas. Et toi, qu’est-ce qui t’amène au village si tôt matin ?
    – Une urgence à la pharmacie.
    – Qui s’est blessé ?
    Côme avait l’air franchement inquiet.
    – Personne. Une urgence de fille, sans
plus.
    Là-dessus, Micheline se leva, agita les doigts
et retourna attendre l’ouverture de la pharmacie. Puis elle changea d’idée,
embraya et se dirigea vers le village voisin, distant d’à

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