Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'absent

L'absent

Titel: L'absent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
Vom Netzwerk:
sapins
immobiles :
    — Un coup de main sur Paris, monsieur le duc, peut
avoir le plus grand effet.
    — Sire ?
    — Vous imaginez ces traîtres, qui suent la haine, si je
rentrais aux Tuileries ?
    L’Empereur s’amusa un moment à exagérer leur affolement,
puis il suivit un raisonnement entamé à l’aube avec Berthier :
    — Le tsar et le roi de Prusse se demandent ce que je
prépare. Ils me redoutent et ils ont raison. Ils viennent de perdre plus de dix
mille hommes dans les fossés de Paris, maintenant ils sont fatigués, ils se
reposent dans une fausse sécurité, leurs généraux se gobergent, ils ont
accaparé nos hôtels, leurs maraudeurs s’égarent dans nos rues qu’ils ignorent
autant que notre langue. Combien sont-ils, dedans comme dehors, et où ?
Comment réagissent les Parisiens ? Qui dirige ce chaos ?
    — Nous pouvons en avoir une idée, sire. L’un de mes
hommes, comment dire ? fiable, oui, c’est cela, fiable et attaché à
l’Empire…
    — Votre espion, quoi, ne craignez pas les mots quand
ils sonnent juste.
    — Eh bien, sire, mon espion, donc, mon espion arrive de
la capitale. Il a franchi cette nuit les lignes ennemies et en sait long. Je
viens de le recevoir à la Chancellerie.
    — Qu’est-ce que vous attendez pour me l’amener ?
    — Votre permission.
    — Bougre d’âne !
    Et l’Empereur appliqua sur la joue de Maret une claque sonore
mais affectueuse.
     
    L’arme à la bretelle, un grenadier dont l’ourson rehaussait
encore la taille élevée accompagnait un valet en habit de drap vert. Ils
longeaient les bâtiments de la cour pavée pour gagner le poste de garde, au
coin des grilles d’entrée du château de Fontainebleau.
    — Comment est-il, ce cousin ? demandait le valet,
un brin inquiet, en levant son nez pointu vers le gigantesque soldat.
    — Vous connaissez pas votre cousin, monsieur
Chauvin ?
    — C’est que j’en ai plusieurs, des cousins.
    — Il vous tombe de Paris, celui-là, j’en sais pas plus,
et puis vous allez le voir, de toute façon il a donné votre nom.
    Octave attendait sur le banc de la salle de garde. Après
avoir rapporté au duc de Bassano ce qu’il avait vécu ces derniers jours, il
s’était présenté avec son accord à l’entrée principale du château, à pied, sans
bagages, comme s’il débarquait de Paris par des chemins détournés ; il
avait réclamé le valet Chauvin en se faisant passer pour son cousin, selon les
indications des royalistes. Il avait eu le temps de préparer son boniment,
pendant cette fatigante nuit de voyage, et les soldats, à son air innocent, le
croyaient volontiers. La fouille n’avait rien donné mais Octave réalisa qu’il
avait oublié sa canne, son arme favorite, quand on l’avait transformé en
provincial chez le comte de Sémallé. Il en était assombri. Cette mine
contrariée ajoutait au personnage une touche de vérité, il devait en effet
annoncer à Chauvin la maladie grave de sa femme, demeurée dans les
faubourgs : c’était une raison suffisante pour risquer d’être arrêté ou
refoulé par les militaires étrangers.
    À l’envers sur des chaises, coudes sur les dossiers, les
soldats faisaient cercle autour d’Octave ; un sergent tirait des nuages de
tabac de sa pipe en terre cuite, il parlait des cosaques qu’il nommait les
« sans-pardon » :
    — Comme ça, ils ont rien pillé, ces démons de
l’enfer ?
    — S’ils avaient cassé des portes dans les beaux
quartiers ça se serait répété en ville.
    — Moi je suis passé après eux, pas loin de la Marne,
c’était pas joli, tiens, pas joli du tout, les corps calcinés des fermiers,
tordus dans les cendres.
    M. Chauvin et son grenadier s’encadraient dans la porte
ouverte. Octave se leva et tendit la main au valet, la paume en dessous pour
bien lui montrer la bague à tête de nègre, offerte par Sémallé, qu’il portait à
l’annulaire. L’autre, ne voyant que cela, joua d’entrée la comédie :
    — Ta visite me surprend !
    — Hélas ! disait Octave en prenant Chauvin dans
ses bras, je t’apporte une douloureuse nouvelle…
    — Que se passe-t-il ?
    — Ta femme…
    — Ma femme ? dit le valet ahuri.
    — Marie est au plus mal.
    — C’est si grave ?
    — Assez pour justifier un voyage à Paris malgré le
danger.
    — C’est pas le danger qui me retient, va, mais je ne
peux pas abandonner Sa Majesté ! se récriait Chauvin en singeant la vertu.
    Les soldats,

Weitere Kostenlose Bücher