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L'affaire de l'esclave Furcy

L'affaire de l'esclave Furcy

Titel: L'affaire de l'esclave Furcy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mohammed Aïssaoui
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l’esclave
Furcy ». Il écrivit au ministre pour lui signaler que l’affaire
prenait « une tournure affligeante », que la colonie ne connaissait pas le droit. Le procureur général était abattu. Je l’imagine, à ce moment-là, plein de déception et d’amertume. Il traversait ces jours douloureux, ces longs instants où
l’on sent que l’espoir se délite. J’avoue que j’ai partagé ce sentiment-là. J’avais beau connaître l’issue, j’ai cherché le plus petit
parfum de victoire, les raisons de ne pas douter comme si tout se
déroulait devant mes yeux et que rien n’était encore joué. Parfois j’oubliais que tout cela s’était passé voilà près de deux siècles. Je portais l’espoir de Gilbert Boucher, ses chagrins aussi. Gilbert Boucher possédait cette capacité étonnante de ne pas
rester défait longtemps, il savait qu’il restait encore une possibilité de sauver l’esclave. Il savait que l’appel du jugement du
tribunal d’instance, refusant la liberté à Furcy et le déclarant
« marron », pouvait se révéler une bombe à retardement. De sa prison, Furcy aussi gardait un mince espoir. Un espoir
qui ne l’a jamais quitté. Ses yeux fixaient toujours la petite
fenêtre qui touchait le plafond. Une fine lumière, douce, caressait son visage. De sa cellule, il entendait le bruit de la ville.

La pendaison est la forme la plus
répandue de suicide parmi les esclaves de
Bourbon. On peut supposer que ceux-ci
choisissent cette forme de suicide parce
qu’elle est la plus simple à exécuter. Un
simple morceau de corde qu’on peut se
procurer facilement sur l’habitation
sucrière permet la réalisation de l’acte
fatal, provoqué par un désespoir sans
issue. Hommes et femmes noirs sans distinction optent fréquemment pour cette
solution extrême, résistant à leur façon
au système servile [les esclaves utilisent
souvent des cordes de vacoa pour se
pendre]. Le suicide peut être, dans certains cas, provoqué par la peur du châtiment quand l’esclave se rend coupable
d’une faute sévèrement punie par la
société coloniale.
    Extrait du rapport sur les suicides d’esclaves, le
28 juillet 1806. Cité par l’historien Sudel Fuma,
dans « L’esclavagisme à la Réunion, 1794-
1848 ».

20
    Sully-Brunet était effondré, comme sonné. Après le départ
de Boucher pour la France, et son exil à Saint-Benoît, distant
de seulement quelques kilomètres de Saint-Denis, Il déprimait,
et il craignait sans doute pour sa carrière. Surtout, il ne s’attendait pas à tout ça, il se croyait à l’abri de la justice. Quand il apprit que Desbassayns avait expédié une missive
express au maire de Saint-Benoît pour le faire surveiller, il
devint fou de rage. Il voulut rappeler qui il était. Alors, il se
fendit d’une lettre au ministre de la Marine et des Colonies. Il
l’écrivit dans l’urgence, sans faire de brouillon. Ma seule faute, si j’en ai commis une, serait, paraît-il,
d’avoir sacrifié dix minutes de mon temps pour rendre service
à des malheureux qui chaque jour me harcelaient, employant
les prières et les pleurs pour capter ma générosité, venant chez
moi au nom de l’humanité réclamer mon ministère, me rappelant sans cesse que j’étais le protecteur des infortunés, voulant
profiter de l’effervescence de mon âge pour m’indigner contre
la méchanceté. J’étais sourd à tous ces discours, c’est-à-dire
que je les appréciais avec toute la sagesse dont je suis capable. Quelle fut ma surprise, arrivant à Saint-Benoît lorsque j’appris que M. le maire avait ordre de surveiller mes rapports
avec les esclaves ! Non Votre Excellence, on n’injurie pas un
honnête citoyen d’une manière si outrageante ! Une telle délation ne peut se concevoir ; mon honneur ma vie ma fortune,
tout s’y trouve compromis, m’exiler d’un quartier où je n’ai
que des amis, où ma famille jouit de la plus haute estime sur
une habitation où j’ai cent esclaves à ma disposition, mes
compatriotes se sont indignés d’un tel ordre à mon égard. Votre
Excellence, peut-on concevoir qu’un enfant de la colonie qui y
a une famille nombreuse, dont le père et la mère sont propriétaires d’esclaves et d’immeubles, peut-on concevoir que
quelqu’un attaché aux biens indissolubles de ce pays cherche
à jeter le trouble partout, cherche sa ruine, sa perte même ? Je vous rappelle que les révoltes à Saint-Domingue, aux
Antilles sont nées d’abus

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