L'affaire du pourpoint
malgré ses origines. J’avais tracé des motifs similaires sur des morceaux d’étoffe, montré à mes élèves les principes de base et les avais mises au travail. Elles se concentraient, silencieuses, or j’avais besoin de calme afin de réfléchir. J’étais préoccupée. Trois jours déjà avaient passé sans que je trouve l’occasion de fouiller le bureau.
La raison en était déplorable. Certes, les occasions étaient rares, mais jusqu’à présent je n’avais pas même essayé. L’hostilité et la suspicion qui régnaient à Lockhill me glaçaient. J’avais peur d’entrer dans le bureau avec mes crochets. Et si Mason me surprenait, qu’arriverait-il ensuite ? Aucune des réponses que j’imaginais ne me plaisait.
Je cousais donc, accablée, tout en me raisonnant. Dans l’éventualité où un complot existait, à quel stade en était-il ? Et s’il s’étendait ? Et s’il venait à réussir parce que j’aurais laissé échapper la chance de le contrer, stupide que j’étais ?
Les habitudes de Mason rendaient toute tentative trop risquée durant la nuit, mais une possibilité se présentait ce jour même. Ann et Leonard étaient partis, en carrosse, dîner avec des amis à Maidenhead. Ils ne rentreraient pas avant le souper. La voie était libre, la chance me faisait signe. Je n’osais refuser son invite.
Cet après-midi-là, les enfants monteraient à tour de rôle les trois poneys dont les écuries s’enorgueillissaient. Cela me laissait les coudées franches.
Oui. « Courage, Ursula ! Cet après-midi. »
J’avais besoin de complices pour faire le guet. Donc, après le repas, Dale et moi allâmes aux écuries, où nous avions le plus de chances de trouver Brockley. Étant marié, il disposait de sa propre chambre, que Dale partageait parfois avec lui. Elle jouxtait la soupente des palefreniers au-dessus de l’écurie, et Dale me dit qu’il devait être occupé à chercher des crochets supplémentaires pour leurs vêtements.
Nous l’aperçûmes cependant au pied de l’escalier extérieur qui menait à sa chambre, avec Thomas, le palefrenier dégingandé. Même de loin, on voyait qu’il le semonçait. Nous attendîmes qu’il eût fini avant d’approcher.
Quand Brockley lui eut dit toute sa pensée, Thomas, pas autrement troublé, s’en alla vers la porte de la cuisine d’où Jennet sortait à l’instant. Elle vida un seau contenant des reliefs de nourriture dans une brouette – on les descendait chaque jour à la porcherie bruyante, au bas de la colline, d’où l’odeur ne parvenait pas jusqu’à la maison. Ce fut alors que Thomas essaya de voler un baiser à la servante. Elle lui assena un grand coup à l’aide du seau et courut se réfugier à l’intérieur. Thomas s’éloigna en sifflotant vers la salle des harnais.
— Jennet non plus ne l’aime pas, remarqua Dale. Il a un faible pour elle, d’après Joan, mais elle ne veut pas de lui. Pas étonnant, avec cette façon qu’il a de regarder… Comme s’il imaginait… Ça m’embarrasse de le dire, madame.
— J’ai compris, répondis-je.
Thomas était un garçon pâle aux yeux clairs déconcertants, et je m’étais déjà sentie déshabillée par ce regard, une ou deux fois.
— Un problème, Brockley ? interrogeai-je alors que nous le rejoignions.
— Ce Thomas ! Je l’ai pris à répandre de la paille fraîche dans la stalle d’Étoile sans même enlever l’ancienne. La paille pourrie est source d’infection. Il est aussi utile qu’une roue de moulin cassée. Si j’étais son maître, je le renverrais sans références et à coups de pied au bas du dos. Vous me cherchiez, madame ?
— Oui. Les enfants sont-ils déjà partis faire du poney ?
— Tout à l’heure, avec les deux plus jeunes palefreniers.
— Bien. Brockley, il est temps.
À ce moment de la journée, la maison était paisible. Les Logan et les servantes nettoyaient la cuisine et prenaient leurs aises avant d’entamer les préparatifs du souper. Les confidences avant l’heure du coucher ne m’avaient rien appris sur d’éventuels complots, mais m’avaient fourni bon nombre d’informations précieuses sur les habitudes des membres de la maison. Je savais que Redman se retirait de coutume pour une sieste dans sa chambre au grenier, et que, quand les enfants faisaient de l’équitation, Crichton aussi aimait à faire un somme. Tous deux seraient hors de mon chemin.
Je m’arrêtai avec mes
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