L'affaire du pourpoint
jour, j’avais ri avec Dale à l’idée d’un complot à Lockhill, mais, ici, tout n’était pas aussi innocent que je l’avais espéré. Restait à découvrir pourquoi. La voix de Cecil résonnait encore dans ma tête, évoquant un tisserand et sa fille morts sur le bûcher. Brockley et Dale pensaient que c’était folie de venir à Lockhill, mais pas moi. J’avais agi à bon escient.
Je conservais de quoi écrire dans mes affaires et, avant que Rob ne reparte, je lui avais confié un pli scellé à l’intention de Cecil. J’y expliquais que, ayant subi un accueil glacial à Lockhill, je me demandais si rien n’avait filtré à la cour, voire chez le secrétaire d’État. Serait-il possible de s’en assurer ?
Je m’endormis au bout d’un moment et rêvai que j’étais revenue dans l’abri à bateau, seule, transie, écoutant le clapotis du fleuve au-dehors. Je m’éveillai, le cœur battant à tout rompre. Dans mon rêve, le bruit de l’eau avait une étrange régularité et je m’aperçus que je l’entendais encore. Quelqu’un, en pantoufles souples, passait devant ma porte.
Je me redressai en sursaut, me demandant si je devais le suivre. Ailleurs, une autre porte s’ouvrit, puis se ferma. Tout redevint silencieux. Qui avais-je entendu ? Mr. Mason en chemin vers son bureau, ou un conspirateur se rendant à une réunion ? Mon rêve m’avait laissée tremblante et les ténèbres m’oppressaient. Je ne pus me résoudre à me lever.
J’eus soudain la conscience aiguë que Lockhill était un lieu étranger, que je n’avais pas de foyer et aspirais à en posséder un. Le mois de mai semblait bien loin.
Je me retournai. Le visage dans l’oreiller, tout bas afin que Dale n’entendît pas, je murmurai : « Matthew. »
CHAPITRE VIII
Premiers pas
— Je veux bien tolérer mes rejetons au dîner et au souper, déclara Leonard Mason au petit déjeuner le lendemain, mais, le matin, qu’ils mangent de leur côté. J’insiste pour que nous ayons au moins un repas civilisé dans la journée. Crichton est avec eux. C’est grand dommage qu’il ne parvienne pas à mieux régler leur comportement.
Pour alléger l’atmosphère tendue, j’avais demandé où se trouvaient les enfants. Anne bavardait gaiement de choses et d’autres, mais son époux m’opposait un silence ostensible. Sans l’ombre d’un doute, pensai-je, le ventre noué, il me détestait et se défiait de moi. Pourtant, il n’avait rien montré de la sorte l’année précédente. Quelque chose s’était passé dans cette maison.
— En réalité, Crichton n’est pas précepteur de son état, mais prêtre, indiqua Ann, qui, voyant son mari lui lancer un regard sévère, ajouta : Mrs. Blanchard est au courant. Lors de son premier séjour ici, elle a entendu la messe avec nous. Le souhaiteriez-vous à nouveau, Mrs. Blanchard ? Vous êtes née Faldene, et donc…
— Je fais aussi partie de l’entourage de la reine, rappelai-je poliment. Entendre la messe lors d’une occasion isolée ne portait pas à conséquence, mais je préfère ne pas en faire une habitude. À condition que cela ne vous ennuie pas trop.
— Pas du tout, répliqua Mason d’un ton glacial.
— Nous n’avons pas de mauvaise intention en écoutant la messe, expliqua Ann d’un air sérieux. Dieu sait que nous sommes une famille loyale à la reine.
— Une famille respectable à tous égards, insista Mason. Même s’il est vrai que nos enfants sont quelque peu indisciplinés et que les filles manquent de pratique dans les domaines féminins. Ma femme a beaucoup insisté pour que vous veniez, Mrs. Blanchard. Vous êtes la bienvenue, que vous entendiez la messe ou non, pourvu que vous vous conduisiez toujours comme il sied à une dame.
Cela sonnait tel un discours préparé d’avance. Ann détourna les yeux et je me demandai ce que Mason imaginait que je fisse de malséant – fourrer mon nez dans des affaires qu’il tenait à garder privées ? Je ferais bien de prendre garde.
Mason poursuivait sur le thème de l’observance à Lockhill :
— La plupart de mes serviteurs et certains des villageois assistent à la messe, néanmoins ils se rendent chaque dimanche au service anglican de l’église. Notre prêtre, le Dr Forrest, officie. Les autorités ecclésiastiques savent fort bien que la messe est célébrée ici, mais elles ferment les yeux.
J’exprimai ma satisfaction qu’on fût parvenu à ce sage compromis.
Un
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