L'affaire du pourpoint
S’il existe la moindre preuve écrite dans la maison, nous la trouverons.
« Oh, non ! me dis-je. Non, par pitié… » Je m’entendis répondre, avec difficulté parce que je ne voulais pas prononcer ces mots et qu’une moitié d’Ursula criait en silence à l’autre de se taire :
— Mais en possédons-nous vraiment assez ? Somme toute, à quoi se résument-elles ?
Tous les regards convergèrent sur moi. Je précisai ma pensée :
— Nous ne pouvons démontrer aucun lien avec Lockhill.
Je le regrettais amèrement. Malgré mon intime conviction que ma pénible expérience avait un rapport avec cette affaire, les preuves concrètes manquaient encore. Je ne pouvais rien révéler sans admettre que j’avais voulu rejoindre Matthew.
— Que se passera-t-il si vous retournez toute la maison sans rien trouver ?
— Une fois entre nos mains, Leonard nous apprendra ce que nous voulons savoir, affirma Cecil d’un ton qui me donna le frisson.
— En êtes-vous sûr ? objectai-je. Il a menti au sujet de ces tapisseries, mais cela n’est pas puni par la loi. Et s’il fournissait une explication toute simple ? Il semble plus aisé qu’il ne veut l’admettre, mais il pourrait répondre qu’il le dissimulait à ses créanciers ou même à son épouse ! Peut-être a-t-il gagné au jeu et préfère-t-il le lui cacher ! Ou alors, elle aimerait qu’il dépense cet argent pour une chose, et lui plutôt telle autre ! Quantité d’explications sont possibles. Les tapisseries ne prouvent rien.
— Ursula, quelle inventivité ! s’étonna Cecil. Pour votre part, croyez-vous qu’il y ait un complot à Lockhill ?
— Il s’y passe quelque chose. Oui, je le pense. Mais la toile s’étend au-delà. Fenn et Dawson n’ont pas été assassinés là-bas. Ne voulons-nous pas prendre tous les traîtres ? Arrêtez Leonard Mason avant que nous sachions qui sont les autres, et ils se mettront en lieu sûr. Pour peu que leurs noms figurent sur des documents compromettants, nous aurons le temps de les arrêter, mais s’il faut d’abord arracher des informations à Mason…
— Ils ne sauront rien, à condition d’agir vite et dans la plus grande discrétion, objecta Rob.
— Faudra-t-il aussi arrêter tous les gens du manoir et du village ?
— Que voulez-vous dire ?
— Elle veut dire, expliqua Élisabeth, comprenant ma pensée avec une précision troublante, que cette organisation invisible possède ses propres méthodes de liaison. Les diverses parties doivent être à même d’entrer en contact. Il est raisonnable de supposer qu’au cas où Lockhill serait investi, quelqu’un est chargé de donner l’alerte. N’importe qui : un majordome, un palefrenier, un jeune villageois. Et alors, en effet, les conspirateurs nous glisseraient entre les doigts.
— Madame, remarqua Cecil d’un air de reproche, cette réunion vise à décider d’un plan d’action qui ne fasse pas courir d’autre danger à Mrs. Blanchard.
Ce qui signifiait, une fois traduit : Élisabeth, Votre Majesté, bien-aimée et imprévisible souveraine d’Angleterre, dans quel camp êtes-vous ?
— Je suis allée à Lockhill pour y chercher des preuves écrites, rappelai-je. Je n’ai pu encore compulser les papiers de Mr. Mason, mais supposons qu’ils ne contiennent rien de compromettant. Supposons qu’il faille plutôt observer qui vient au manoir, qui Leonard Mason rencontre. Il a fort bien pu se rendre à une réunion de conspirateurs sous mon nez, maintenant que j’y pense ! Sa femme et lui sont partis à Maidenhead, un jour, pour rendre visite à des amis. Il se peut que les femmes soient restées seules à parler d’enfants et de recettes de cuisine, pendant que les hommes évoquaient Marie Stuart dans la pièce voisine. En d’autres occasions, les conspirateurs pourraient venir à Lockhill. Je crois qu’il est trop tôt. Il nous faut quelqu’un dans la place.
— Quelqu’un, mais pas vous ! protesta Rob. Pas alors que Fenn a été tué.
— Très juste, approuva Cecil. Ce n’est pas le rôle d’une femme.
— Mon père avait la conviction que le rôle d’une femme n’était pas de gouverner un royaume, observa Élisabeth, signifiant par l’emploi de « mon » au lieu de « notre » qu’elle s’exprimait en tant qu’Élisabeth Tudor, non en tant que reine. Il a grandement souffert de ne pas avoir de fils. Et d’autres aussi, par contrecoup.
Elle ne parlait jamais en
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