L'affaire du pourpoint
public de sa mère, Anne Boleyn. Une fois seulement, je l’avais entendue l’évoquer en privé. Cependant, il lui arrivait, comme c’était le cas, d’y faire une allusion oblique. Cecil renifla d’un air exaspéré.
— Sir William, lui dis-je, permettez-moi de m’assurer d’un détail. Chez vous, y avait-il le moindre document, que Fenn aurait pu voir, révélant que j’allais à Lockhill pour espionner ?
— Certes pas ! Cela n’a jamais été couché sur le papier. Je n’aurais pas commis une telle imprudence.
— Ni moi, dit Élisabeth.
— Il m’est cependant arrivé de parler de vous avec ma femme, nuança Cecil. Notre conversation n’aurait pas signifié grand-chose pour qui ignorait tout de ce qui nous occupait, mais pour un éventuel agent… Je me rappelle que Fenn est entré un jour, au moment où je disais que, même si j’espérais que vous apprendriez quelque chose, je ne me berçais pas trop d’illusions. Ajouté au fait qu’Ursula Blanchard, décrite aux Mason comme une vague connaissance, a ses entrées chez moi, cela aurait pu éveiller ses inquiétudes.
— C’était plus que suffisant, estima Rob, qui cita d’un ton sentencieux : « Le coupable fuit alors que nul ne le poursuit. » En l’occurrence, la poursuite paraissait bien réelle.
— Mais ils ne m’ont jamais surprise à fureter, remarquai-je. Je me suis comportée avec beaucoup de prudence. À présent, ils doivent me juger inoffensive.
— Voulez-vous dire, Ursula, que vous tenez à retourner là-bas ? demanda Cecil.
— Non. Simplement que je le devrais et que, peut-être, le danger n’est plus si grand : s’il m’arrivait malheur à Lockhill, cela attirerait le genre d’attention dont nos adversaires préfèrent se dispenser. Aussi longtemps que je prends garde, je serai en sécurité.
— Ce que je ne peux comprendre, dit Rob, c’est que Mason vous ait laissée venir si Fenn lui avait exposé ses soupçons à votre égard.
— Je me suis fait la même réflexion, et je crois que la raison en est Ann Mason. Elle a un très grand besoin d’aide. Avant mon départ, elle m’a confié combien elle était reconnaissante que je sois auprès d’elle. Mason aurait eu du mal à lui expliquer son refus.
Cecil fixa Élisabeth comme s’il l’implorait d’intervenir. Elle le fit, mais non dans le sens que Rob et lui eussent souhaité.
— La décision vous appartient, Ursula. Aucune obligation ne vous lie. Vous avez déjà bien mérité de nous et en serez récompensée.
— On connaît votre projet d’aller en France. On ne vous blâmerait pas si vous requériez la permission de partir tout de suite ! m’encouragea Rob.
— Et nous vous l’accorderions dès maintenant, assura Élisabeth. Si, en revanche, vous êtes prête à retourner à Lockhill, je ne vous l’interdirai pas.
Ses yeux me demandaient d’essayer encore.
Les deux hommes protestèrent avec vivacité, mais je restai silencieuse. Lorsqu’ils furent à court de remontrances, à bout d’indignation, je leur dis :
— Quand vous m’avez reçue chez vous, Sir William, vous m’avez parlé du Dr Wilkins qui, du temps de la reine Marie, avait fait condamner au bûcher deux de ses ouailles, un père et sa fille. Et vous, Rob, vous avez été témoin du supplice.
Le visage enjoué de Rob s’assombrit, comme si un nuage avait vaincu un beau soleil d’été.
— Vous êtes au courant ?
— Je le lui ai dit, confirma Cecil.
— Je préférerais ne plus y penser. C’était la première fois et, j’espère, la dernière que j’assistais à une telle atrocité. Je me suis échappé de la foule, mais, malgré la distance, leurs hurlements me poursuivaient…
Sa voix se brisa.
— Afin que plus jamais cela n’arrive, plaidai-je, que jamais ne revienne le temps où des innocents pouvaient être victimes de pareilles horreurs, il nous faut percer coûte que coûte le secret de Lockhill. Et pour ce faire, je n’ai d’autre choix que de retourner là-bas.
Je pris certaines mesures avant de regagner le Berkshire. Plus tard ce même jour, quand la reine et Cecil furent partis, je nommai les Henderson tuteurs de Meg au cas où je viendrais à disparaître. L’un des clercs de Rob rédigea l’acte, après quoi Dale et Brockley me servirent de témoins. C’était une décision que j’aurais dû prendre de longue date.
— Mais cela ne sera pas nécessaire, assurai-je, du moins, pas à cause de cette
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