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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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mêlent de tout. Elle offrait des collations dont la police – ma police – lui défrayait la dépense. Sa maison de la rue de Verneuil, où se formait un assemblage d'hommes de tout état et de bonne et mauvaise compagnie, n'était pas regardée absolument comme une maison ouverte ; il n'y avait que peu de femmes, point de jeux et on y parlait en toute liberté. Mme de Lastérieux n'était connue dans ce rôle particulier que par moi-même. Elle s'évertuait adroitement à vous en dissimuler la chronique. J'étais souvent instruit de ce que je désirais savoir, et de manière plus subtile que par les mouches ordinaires ou que par ceux que vous connaissez et dont nous usons, à l'occasion, sous le nom d'espions de circonstances.
    Nicolas paraissait accablé.
    — Et elle ne m'a jamais révélé la chose !
    — Elle avait reçu l'ordre formel de la taire. Son intérêt bien compris consistait à se conformer à cette recommandation. Je dois reconnaître à votre décharge, Nicolas, que même sur l'oreiller où tant d'hommes se débondent de leurs secrets, vous n'en avez jamais divulgué aucun, vous qui en approchiez beaucoup. Et la dame...
    Il se mit à rire.
    — ... avait reçu instructions – pardonnez-moi, cher Nicolas – de vous interroger sans relâche. Vous ne cédâtes jamais. Il est satisfaisant pour un chef de la police de pouvoir se rassurer sur la loyauté de son agent le plus proche.
    — Mais, monsieur, intervint Bourdeau, ce rôle l'exposait, dans le cas où elle serait devinée ou dénoncée, aux plus terribles représailles.
    — Cette remarque, Bourdeau, est frappée du sceau du bon sens. C'était un risque que nous courions, et rien, pour le moment, n'infirme ni ne confirme l'hypothèse que vous avancez.
    Était-il concevable, pensait Nicolas, que cette femme aimée avec passion l'ait trompé tout ce temps, qu'il n'ait été qu'un jouet dans ses bras ? Sartine le regardait avec douceur, devinant où la pente de sa pensée le conduisait.
    — Vous ne faisiez pas partie du jeu, Nicolas. Elle vous était très attachée et espérait qu'elle échapperait un jour à la contrainte dans laquelle nous la maintenions. Ainsi s'expliquait cette persistante obsession de vous voir l'épouser. Elle espérait que paraître à la Cour la libérerait de son assujettissement. Mais la règle est la règle. Pour maintenir l'ordre et servir le roi, nous usons de moyens que la morale réprouve, mais que la fin justifie.
    — Et dont le prix est une vie humaine.
    — Quelquefois, oui. Mais rien n'indique pour l'instant que ce soit là l'origine de son trépas. Il est cependant essentiel de tirer cela au clair, pour le salut même de l'État.
    Le lieutenant général les entraîna dans son bureau. Quand ils y pénétrèrent, des bûches immenses, qu'on allait chercher spécialement à Vincennes, y flambaient joyeusement avec force craquements et projections d'étincelles. Comme à l'accoutumée, lors des passages du magistrat, le Père Marie avait allumé un feu dans la grande cheminée gothique. Au centre de la salle, Julia et Casimir entravés attendaient debout. Deux exempts les surveillaient. Sartine se campa devant la cheminée, redressa sa svelte silhouette, ordonna qu'on éloigne la jeune femme et se mit à interroger Casimir.
    Dans une langue un peu chantante, celui-ci énonça son identité. Il était originaire de l'île de la Guadeloupe, âgé de vingt-cinq ans environ, de religion catholique romaine et servait chez Mme de Lastérieux en qualité d'esclave. Il décrivit la soirée du jeudi, au cours de laquelle sa maîtresse offrait un souper. Il y avait huit personnes. M. Nicolas était passé en fin d'après-midi, mais était reparti aussitôt. Il n'avait aucune explication à donner à ce départ. Les autres invités lui étaient inconnus, sauf M. Balbastre, un habitué, et un jeune musicien qu'il avait déjà vu depuis une quinzaine de jours : il avait rendu visite seul à Mme de Lastérieux à plusieurs reprises. Un soir, même, il était resté fort tard. Le souper s'était déroulé normalement. À son habitude, madame n'avait guère mangé. Interrogé sur le point de savoir s'il avait revu Nicolas au cours de la soirée, il avait répondu sans hésitation par la négative. Il avait croisé sa maîtresse pour la dernière fois quand elle se retirait dans son boudoir, afin de montrer un parfum au jeune musicien. Julia et lui avaient tout remis en ordre et s'étaient couchés. Oui,

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