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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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posait de savoir d'où venaient les coups et si toute cette chaîne d'événements avait ou non une origine unique. Sa perplexité se concentrait sur cette fatale soirée du 6 janvier, quand une crise amoureuse – pour ne pas dire une scène de ménage – avait déréglé le cours d'un destin, conduit Mme de Lastérieux à une mort atroce et l'avait précipité lui-même dans les rets du soupçon et dans les périls d'une traque meurtrière. Encore oubliait-il dans sa tristesse le rôle ambigu qu'elle avait joué auprès de lui.
    La demie de sept heures sonnait à la pendule. Le valet entra et, après avoir desservi les vestiges du thé, disposa un couvert sur la table à jeu. Nicolas soupira d'aise à considérer ces préparatifs quand Mme Williams glissa dans la pièce, tel un navire de haut bord, l'air scandalisé.
    — Monsieur, il y a là un homme qui souhaite être reçu. Je lui ai signifié que vous n'étiez pas là. Il insiste, assurant que vous deviez le rencontrer à neuf heures. Il demande à avancer l'heure du rendez-vous.
    — De quoi a-t-il l'air ? demanda Nicolas.
    — D'un gentleman d'honnête allure, assurément.
    — Bien. Ayez l'obligeance de le faire monter et de nous faire apporter deux verres et quelque chose que l'on boit à Londres avant le dîner.
    La bonne dame sortit du salon, l'air contrarié. Elle revint accompagnant un petit homme bedonnant d'une soixantaine d'années, sans perruque, au crâne chauve entouré d'un croissant de cheveux blancs. Le visage blême, avec des sourcils broussailleux coupés à la serpe, un nez rouge et pointu et un long cou entouré d'une cravate écharpe de gaze blanche, sortait d'un habit vert boudinant un corps sans forme. Une culotte de casimir blanc immaculé se terminait par des bas noirs et des souliers à boucles d'argent. L'homme se haussa sur ses petites jambes, saisit de deux doigts une sorte de face-à-main pendu à un ruban noir, lorgna Nicolas après avoir jeté un coup d'œil circulaire et approbateur à la pièce et à son ameublement. Sans y avoir été invité, il s'assit face à Nicolas, le toisa derechef, puis prit la parole dans un anglais aux accents aristocratiques.
    — Monsieur le marquis, dit-il d'emblée, vous êtes-vous jamais demandé si nous étions heureux de vous recevoir ?
    Nicolas n'entendait pas se laisser désarçonner de la sorte.
    — Avant toute chose, demanda-t-il, à qui ai-je l'honneur de parler ? Car si vous semblez me connaître, je n'ai pas, moi, ce plaisir.
    — Je suis lord Aschbury, Robert Aschbury. Vous deviez m'être conduit ce soir, mais j'ai précédé l'heure. Je ne souhaite pas, en effet, qu'un envoyé aussi distingué que vous soit soumis à des obligations détestables. J'ajouterai que je n'apprécie que modérément que notre ami commun organise nos divertissements .
    Le tout avait été dit avec suffisance, le face-à-main se balançant. Nicolas se leva et alla tisonner le charbon, songeant avec amusement que c'était là une habitude de M. de Sartine lorsqu'il voulait donner délai à sa réflexion. L'odeur âcre de la combustion lui monta à la gorge et le fit tousser. Cela lui fit gagner quelques secondes et lui permit de calmer une irritation montante.
    — Auriez-vous, my lord, quelques papiers m'assurant que vous êtes bien celui que vous m'annoncez ?
    Son hôte se mit à rire.
    — Monsieur le commissaire, il vous faudra vous fier à ma parole. Je ne vous demande pas, moi, les lettres de plénipotentiaire que votre souverain vous a signées pour vous accréditer et qui, sans doute...
    Il tendit le doigt vers la poitrine de Nicolas.
    — ... vous chauffent le cœur. Ces sortes d'affaires, apprenez-le, se traitent de confiance – ou de méfiance, comme vous voulez.
    Mme Williams entra, portant un flacon d'une liqueur ambrée et deux verres qu'elle posa sur la table à jeux. Lord Aschbury s'en servit aussitôt une large rasade qu'il avala d'un trait en claquant la langue d'une manière que Nicolas trouva bien peuple.
    — Excellent sherry ! Compliment à votre commanditaire.
    Il s'affala dans sa bergère en hochant la tête avec goguenardise.
    — Alors, monsieur le plénipotentiaire, qu'avez-vous à me dire ?
    — Je ne biaiserai pas, répondit Nicolas. Lord Stormont, votre ambassadeur à Paris, avait offert toutes assurances pour qu'une mission policière française pût agir sur le sol britannique afin d'empêcher de nuire M. de Morande, dont les écrits indécents

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