L'Amour Courtois
qui correspond parfaitement à l’idée de la
virginité dans son sens le plus étroit, mais aussi le moins sûr.
Or, la racine * werg n’est
pas isolée. En grec, elle a donné ergon , l’action,
ainsi que ses dérivés energeia , énergie, orgion , cérémonie religieuse, orgie, organon , instrument, organe. On peut y rattacher le
gaulois ver , grand, puissant, qui a vraisemblablement
donné le préfixe augmentatif gallois guor- et
irlandais for- ainsi que la préposition
bretonne war , sur (au sens latin de super ), et l’adverbe anglais very , très. Quant au latin vis , la force, dont le radical est vir , lui-même signifiant « homme », ou « mâle »
(irlandais fêr , breton gour ), il est difficile de ne pas le rattacher à la
même racine. Ainsi, la vierge, d’après l’étymologie (mais toute étymologie peut
être contestée), serait en relation avec les idées de force , d’ action et
de claustration , le tout étant recouvert par
la féminité. À y réfléchir, cela paraît parfaitement compatible avec l’image
mythologique de la déesse-mère, et compatible avec la puissance et la vertu
prêtées à la Vierge Marie dans la tradition chrétienne.
La Bible hébraïque, elle, utilise trois mots pour désigner
une vierge : naara , betula et alma . Le
terme naara provient d’une racine qui exprime
le mouvement, l’agitation et la précipitation, et désigne « une jeune
fille mariée ou non mariée », virgo intacta ou non. C’est vraiment très vague, et cela ressemble quelque peu au mot
médiéval « pucelle » qui ne veut rien dire de précis. Le terme naara est en effet employé pour une femme mariée
accusée d’avoir perdu son innocence avant son mariage (Deutéronome, XII, 15-16),
mais aussi pour une veuve non remariée (Ruth, II, 16), alors que dans la Genèse,
il qualifie Rebecca qui est virgo intacta et
désigne, dans un autre passage (XXXIV, 3), une jeune fille ayant perdu son
innocence à la suite d’un viol.
Le terme betula paraît au
contraire designer nettement une jeune ou une vieille femme considérée comme virgo intacta , une femme qui a gardé ses betulim , mot pluriel qui signifie « hymen ».
Mais ici, un autre problème se pose, et les commentateurs juifs de la Bible n’ont
guère hésité à en discuter, parfois avec beaucoup d’ironie. Il est en effet
reconnu médicalement – et les Hébreux le savaient parfaitement – qu’une femme
ayant « connu » un homme peut conserver une partie de cette membrane
muqueuse qu’on appelle hymen, cette membrane n’ayant jamais exactement la même
forme ni la même dimension, ni la même souplesse. La petite Histoire est
remplie d’horribles maquerelles spécialistes des faux hymens, et le Talmud (traité
Kutubot, fol. 11) prévoit même le cas où une femme pourrait perdre
accidentellement cette précieuse partie de sa personne, par chute sur un corps
saillant, ou même, selon l’expression rabbinique qui vaut son pesant d’or,
« en se blessant avec un morceau de bois ». Il est vrai que la Genèse
(XXX, 14-15) révèle une curieuse tractation entre Léa et Rachel à propos de
racines de mandragore.
Le troisième terme, alma , provient
d’une racine qui signifie « cacher, soustraire aux regards ». Il
désigne une jeune fille dont l’innocence est totale, et qui est « soustraite
aux regards des hommes ». Le mot se retrouve en phénicien avec le sens de virgo intacta (saint Jérôme, Commentaires. VII), mais
il semble bien qu’il s’agisse quand même d’une virginité plus morale que matérielle.
Car le masculin elem désigne un jeune homme non
marié, et donc vierge en principe sinon en pratique, puisque la circoncision ne
permettait pas d’obtenir la moindre preuve de la virginité de l’homme. Les
commentateurs juifs sont d’ailleurs très perturbés par la définition de la
vierge. On lit dans le Talmud (traité Hhaghiga, fol. 14) qu’« une vierge
qui est devenue enceinte peut devenir l’épouse du grand-prêtre. “Car Schemuel [Samuel]
dit : je puis connaître une femme plusieurs fois sans qu’elle perde sa
virginité” ». On trouve dans les Proverbes (XXX, 19) ce curieux passage :
« Il y a trois choses qui sont au-dessus de ma portée et j’ignore la
quatrième : la voie de l’aigle dans le ciel, la voie d’un serpent sur un
rocher, la voie d’un navire au milieu de la mer. Enfin, la voie d’un homme dans une vierge (alma). Telle est
la voie de la femme
Weitere Kostenlose Bücher